Lo Stato Moderno - anno III - n.24 - 20 dicembre 1946

562 LO STATO MODERNO La démocratie i talienne condition du rapprochement franco-italien Le fascisme m'a tenu é:oigné de J'Italie que j'aimais tant pendant plus de vingt ans. Il a fallu le voyage organisé par le Comité France-lta:ie où j' ai eu J'honneur de convoyer la délégation de la Presse Française, pour la retrouver, li– bérée, et créant chaque jour sa démocratie. Reçus fraterneI.:ement par le Gouvernement Italien, j'ai pu, comme tous mes camarades français, étudier à loisir en traversant la peninsule !es problèmes que posent à notre jugement l'établissement et !es perspectives de l'Ita:ie dé– mocratique. Le peuple français, dans son ensemble, a ha"i l'Italie fa– sciste. Il a manifesté contre e[e et, dans le méme temps, il a connu, alors qu'ils étaient dans l'adversité et l'exil, dans le combat et l'action, !es proscnits italiens qui, sur notre sol, ont été d' admirables combattants pour la démocratie inter– nationale. ]'ai connu !es RosseI.:i, Nenni, Angeloni, Campo– longhi, Tog:iatti, Di Vittorio, Saragat, Bocconi, et tant d'autres à l'époque où Mussolini étail à J'apogée de son prestige et provoquait l'enthousiasme de cette bourgeoisie française, déjà mure pour Vichy et la collaboration. A ce moment, oes proscrits, véritables amis de la France, é:evèrent leurs voix et il me souvient des cris d'alarme qu'ils poussèrent en faveur de la paix entre nos deux pays, menacée par le néo-imperia– lisme mussolinien. Les évenements de juillet 1943, au cours desquels le peup:e italien s'est débarassé lui-méme du fascisme, a sup– primé, dans un mouvement spontané de sainte vengeance, J'homme qui l' avait déshonoré, a coopéré par sa résistence mtérieure et sa partécipation aux còtés de6 Alliés à la vic– toire finale - ont été pour nous :a récompense d'une longue attente et la justification de nos espoirs dans J'Italie réel!e. L'installation au pouvoir d'un gouvemement composé en grande partie des italiens antifascistes que nous avons connus dans l' action c:andestine et !es combats de la libération nous a confirmés dans cette confiance. Ceci posé, après avoir visité l'Ita!ie, questionné les personna:ités politiques, syndi– cales, industriel:es et commerciales, après avoir pris :es con– tac~ uti:es avec ,]es représentants de la presse, de 0a litté– rature et dcs arts, on peut se poser celte question: La demccra.tie itaJ.ienne est-elle réelle et son dévelop– pement certain? li tombe sous le sens que vingt années de fascisme ont laissé des traces profondes dans le milieu socia! qui en a profuté. Seule la défaite des armes lui a imposé une passiv/té à peine resignée face au renouveau italien. Il est tout aussi évident que l'Italie nouve:le, angoissée sur !es conditions de la paix qui lui sera imposée, préoccupée d'offrir au monde le spectao!e d'une nation unie travaillant dans l'ordre à sa reconstruction, n'a pu encore procéder fermement à une épuration nécessaire. Je réponds néanmoins: la déTMcratie italienne, malg-ré ses faiblesses aott,elles, est réelle et son développement pa-rait certain. Examinons !es raisons certaines de le croire. D'abord la qualité des hommes d'Etat qui mènent :a barque au milieu d' écueils redoutables. Ensuite et surtout l'attitude du peup!e ita!.ien. Celui-ci, délivré de l'oppression fasci-ste, s'est !JClassé dans !es partis traditionnels de la dé– mocratie italienne. Les cinq millions deux cent mille ouvriers et technioiens, qui co:laborent dans le synclicat unifié, socialistes, commu• nistes, démocrates chrétiens, travaillent à la réalisation de la démocratie économique, sans laquelle la démocratie poLitique n'est qu'un leurre. La démocratie italienne, seul gage de paix et d'entente entre la France et l'Italie, sera clone en premier lieu l'oeuvre du peuple italien lui-méme. Elle sera aussi l'oeuvre des na– tions sincèrement amies de J'Italie, parmi lesquelles je vou– drais compier la France. Un régime qui s'fostaI:e a besoin de forces réelles inté– rieures, mais il a besoin également, au dehors, d'amitiés agissantes et encourageantes. La France, pour rester fidèle à son idéal démocratique autant qu'à sa sécurité, doit vivre dans une Europe d' où seront extirpés tous !es germes offen– sifs ·du fascisme. Il lui faut entretenir des rélations amicales avec rita!ie démocratique comme il lui faudra reprendre, sous peu espérons-le, ses contacts fraterne:s avec la prochaine Répub:ique Espagnole. La France, instruite par ses fautes passées, ne doit pas humilier l'ltalie et doit tout faire pour que la démocratie italienne, aidée par elle, remonte rapidement la pente où le fascisme crimine! l'avait poussée. Après la guerre 1914-1918, la République de ~'eimar naissait en Allemagne. Pauvre république, combattue par !es nationalistes allemands, et ma'.traitée chez nous. Par ce système on a négligé l'unique chance qui existait alors de la réorganisation de l'Europe. On a semé le découragement chez le peuple al:emand, Hitler n'a eu qu'à paraitre. Un parei! scepticisme à l'égard de la nouve[e démocratie italienne, la méconnaissance des mérites du peuple italien qui a bien combattu pour la cause de la !iberté, l'injustice et ia dureté dans !es négociations de la paix provoqueraient encore le méme résultat: ce:ui de ne profiter qu'à la réaction italienne. Cel!e-ci guette !es moindres défaiilances. Elle attend que le dompteur démocrate soit mangé par le lion réaction– naire. Tant que ce néofascisme inavoué comprend qu'il faut, pour se faire pardonner ces crimes, s'imposer silence, il laisse faire !es antifascistes et !es résistants, escomptant une meil– leure audience de la part des nations libres. Mai~ qu'on affecte, à l'Etranger, de ne pas croire dans les vertus de ces chefs antifascistes, qu'on !es traite en adversaires vaincus, qu'on leur attribue !es arriére-pensées de la politique musso– linienne, c'est a:ors que !es sacrifices de la Résistence italienne, de :a cobe:ligérence, apparaitront comme la condamnation d'une politique de faillite. On peut alors imaginer le parti qu'une réaction neutralisée mais vivante, pourrait tirer de celte hypothèse, que pour notre part nous rejetons de toutes nos forces. ous ne voulons pas revoir une Italie hargneuse, ré– vendicatrice, mécontente et aigrie, telle que Musso'.ini !'a fait apparaitre, au mépris de sa mission civi:isatrice, et déoe– vante pour tous !e hommes de paix. Il faut accorde.r une confiance méritée aux masses popu– laires ita:iennes qui ont résisté intellectue'.lement et morale– ment au fascisme, l'ont -abattu, et qui, miìes par un siìr instinct de conservation, ont su opter, en pleine guerre, pour la bonne ,cause, ce!~e de la libération et de l'indépendance. A l' édifice- encore fragile de la construction de la paix, il faut apporter une contribution efficace. Je suis persuadé que J' amitié franco-italienne en consti tue une pièce maitresse. HENRI LEVJN Secrétaire Général du Comité France-Italie

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