Il piccolo Hans - anno XVIII - n. 71 - autunno 1991

88 y a en lui quelque chose qui méprise l'homme et que l'homme ne peut pas supporter sans se perdre. Mais se perdre, il le faut; et celui qui résiste sombre, et celui qui va de l'avant, devient ce noir meme, cette chose froide et morte et méprisante au sein de laquelle l'infini demeure. Ce noir restait près de moi, probablement à cause de la peur que j'avais: cette peur n'était pas celle qu'on connah, elle ne me brisait pas, elle ne s'occupait pas de moi, mais elle errait dans la chambre à la manière des choses humaines. Il faut beaucoup de patience pour que, repoussée au fond de l'horrible, la pensée peu à peu se lève et nous reconnaisse et nous regarde. Mais, moi, je craignais encore ce regard. Un regard est très différent de ce que l'on croit, il n'a ni lumière ni expression ni force ni mouvement, il est silencieux, mais, du sein de l'étrangeté, son silence traverse les mondes, et celui qui l'entend devient autre. Tout à coup, la certitude que quelqu'un était là qui me cherchait fut si forte que je reculai devant elle, heurtai violemment le lit, et aussitot, à trois ou quatre pas de moi, je la vis distinctement, cette flamme morte et vide de ses yeux. De toutes mes forces, il me fallut la fixer et elle-meme me fixa, mais d'unemanière très étrange, comme si j'avais été plutot derrière moi et à l'infini en arrière. Cela dura peutetre très longtemps, bien que mon impression soit qu'à peine elle m'eut trouvé, je la perdis. Je restai en tout cas très longtemps immobile à cet endroit. Je n'avais plus la moindre crainte pour moi, mais j'avais une crainte extreme pour elle, de l'effaroucher, de la transformer, par la peur, en une chose sauvage qui se briserait sous mes mains. Cette peur, il me semble que je la sentais et pourtant, il me semble aussi que tout était si pleinement calme que j'aurais juré n'avoir rien devant moi. C'est probablement à cause de ce calme que j'avançai un peu, j'avançais de la manière la plus lente, j'effleurai la cheminée, je m'arretai encore; je me reconnaissais une si grande patience, un

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