Correspondance de P.J. Proudhon - Vol. 2 - 1875

DE P.-J. PROUDHON. 41 amis. On u'y allait pç1s de main morte, je vous jure. Mes amis étaient consternés: ils déploraient tous mes violences, ma sombre humeur d'antipropriétaire, et cette rage de critique furibonde qui me précipitait clans les griffes implacables du pouvoir. Le télégraphe 1na- nœuvrait à n1on honneur (car nous avons une ligne télégraphique à Besançon), j'étais recommandé d'en haut; et le zèle de nos substituts se signalait à l'envi contre le monstre révolutionnaire. Nul ne voyait pour 1noid'issue possible à cette affaire; le juryprévenu, les ju- geurs triomphants, le clergé se frottant lesrnains~ l'Aca- démie disant : « C'est bien fait; >> tout le rnonde à peu près certain de 111acondamnation. J'étais accusé de neuf délits, qui, par indulgence, ou plutôt parce qu'ils ren- traient les uns dans les autres, furent réduiLs à quatre : 1° attaque à la Propriété; 2° excitation à la haine du gouvernement; 3° et de plusieurs classes de citoyens; t1° offense à la religion. Je fus assigné à con1paraître au:x assises de Besançon par citation di1·ecte, pour le 3 février suivant. Je partis le 29, arrivai le 31, et j'eus 48 heures pour voir un avocat, écrire une défense. Mon conseil, jeune ho1n1ne d'intelligence et de cœur, ne sa- vait de quel bout prendre 11101a1ffaire, et je fus obligé de lui faire la leçon. Il allait se jeLer dans des lieux. co1nmuns qui m'auraient perdu, et qui d'ailleurs no m'allaient pas. Enfin je co1nparus; foule ünmense ù l'audience; la haine, la curiosité, l'in térèt, n1ille pas- sions remuaient le public dans les sens le:: plus opposés. Il est incroyable à quel degré de haine on était monté ; j'étais un passe-Robespierre, un antechrist. J'ai vu une jeune et jolie personne de 16 ans fuir à ma pré- sence, par la terreur que je lui inspirais ; une dame de 50 ans manqua à une soirée où elle apprit que je devais BibliotecaGino Bianco

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