Correspondance de P. J. Proudhon - Vol. 1 - 1875
' XVI P.-J. PROUDHON comme il vous plaira; je vous attends à Paris, philoso- phant, platonisant; vous y viendrez bon gré mal gré. Moi qui vous le dis, il faut que ma conviction soit bien forte, pour que je me hasarde à vous l'écrire, puisque je cours la chance, sans aucun profit pour mon talent divinatoire, auquel je ne tiens pas le moins du monde, je vous assure, de passer pour un écervelé, si je me trompe; c'est jouer bien gros jeu que de mettre son bon sens sur les cartes, en retour du très-léger et très- mince ·mérite d'avoir deviné un jeune homme. Quand je dis que je vous attends à Paris, ce n'est qu' une locution proverbiale qui ne doit rien vous f aire préjuger sur mes projets et sur mes plans; le séjour de Paris me déplait, au contraire, me déplait beaucoup meme, et q11and cette fièvre des beaux-arts qui me possède aujourd'hui m'aura quitté, je l'abandonnerai sans regret pour le séjour plus paìsible d'une vilìe dc province, à condition, toutefois, que cette ville m'offrira des moyens de subsistance, clu pain, un lit, des livres, du repos et de la solitude. Que je regrette, mon bon Proudhon, cette chambre noire, obscure, enfumée, quo j'habitais à Besançon et dans laquelle nous avons em- ployé de.si douces heures à philosopher. Vous ·en sou- vient-il? Que cela est loin de moi maintenant I Cct heureux temps reviendra-t-il jamais? Nous retrou- verons-nous un jour? lei ma vie est agitée, incertaine, précaire, et, qui pis est, paresseuse, illettrée, vaga- bonde; je ne travaille pas, je fainéantise, je divague; je ne lis rien, je n'étudie plus; mes bibliographes lan- guissent délaissés; je reuillette de l9in en loin quelques Biblioteca Gino Bianco
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