LOUIS MERCIER VEGA englué dans le régime général du capitalisme, c'est un moteur. Et les saluts révérenciels à la libre entreprise n'empechent pas que la propriété de secteurs économiques déterminants soit devenue publique, c'est-à-dire gérée par des techniciens, des professionnels de l'organisation, des spécialistes du pouvoir de la fonction. Où l'Etat recrute-t-il ses fonctionnaires pour ses multiples départements? Dans les « classes moyennes » bien sur, et plus spécialement parmi les catégories « lettrées », minoritaires par comparaison aux masses analphabètes. Dans les Universités, pour la perpétuation des enseignants d'abord, pour les postes responsables et les cadres supérieurs bientòt. L'Université, dans son ensemble, se transforme en une école de pouvoir politique, en une pépinière de citoyens disposés et capables de participer à la vie publique. Elle deviendra, à partir des années 20, une puissance en soi, où naissent les doctrines sociales, où se forgent les programmes politiques, où s'entrainent les cadres de direction et d'administration, dont le destin sera ou l'entrée dans le jeu traditionnel, ou la participation aux oppositions réformistes et révolutionnaires. Une législation spéciale s'établit, à la fois pour favoriser et protéger ces catégories de fonctionnaires publics, et les préserver de l'influence des idées subversives. Les constructions universitaires auront tendance à preJ!dre l'ampleur imposante d'un symbole, celui de la création et du renouvellement d'une couche sociale appelée à fournir les élites nationales. Certes, entre le programme de la Réforme de Cordoba, en 1918, et les puissants ensembles universitaires de Mexico ou de Caracas, il s'écoule presque un demi siècle, riche et lourd d'événements, de conflits, de coups d'Etat et d'expériences à tendances démocratiques, mais la constance dans le développement de l'enseignement supérieur et l'importance croissante de la catégorie sociale des diplòmés sont évidents. Les classes moyennes ont gonflé en nombre et en influence, mais c'est sans nul doute le secteur professionnel, logé dans les administrations privées et publiques, qui en constitue le noyau le plus solide, le plus présent, le plus revendicatif aussi, le plus chargé d'avenir, quelle que soit l'idéologie qui marquera cet avenir. Si l'on tient compte, encore qu'il soit traditionnel de traiter l'enseignement des collèges et écoles militaires à part, des diplòmés en uniforme, eux aussi toujours plus nombreux et mieux formés à des taches spécialisées, les dimensions d'une force nouvelle deviennent impressionnantes. 68
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