KAN EGUCHI Par contre, le mouvement étudiant se considérait précurseur et détonateur. Il attendait que sa protestation soit suivie d'un soulèvement des masses ouvrières. Lesquelles ne bougèrent pas. Les ouvriers jouissaient d'une vie personnelle facilitée par l'abondance des biens des consommation: télévision, auto, sport, alcool, sexe, tourisme, espoir d'une maison personnelle. Ils n'avaient pas encore l'expérience critique de la civilisation capitaliste qu'ils vivaient: pollution des milieux, gaspillage des ressources, société bureaucratique, élimination de la spontanéité et de l'initiative de l'homme. Aussi, le mouvement étudiant n'exerça presque aucune influence sur l'ensemble de la classe ouvrière. Et cela, non seulement pour des raisons qui relevaient de la situation objective, mais -aussi du fait de la faiblesse propre du mouvement. En premier lieu, les fractions - les sectes-, qui animaient le mouvement (trotskystes, maoïstes, socialistes de gauche) n'étaient pas capables, ni quantitativement, ni qualitativement, de proposer un but révolutionnaire. Elles ne pouvaient mobiliser que quelques milliers d'étudiants lors des manifestations les plus réussies. Encore était-ce pour protester contre le Traité de Sécurité, dans le domaine politique, ou pour protester contre les sanctions prises contre les étudiants, dans le domaine unh,ersitaire. Des buts plus radicaux eussent mesuré une jnfluence plus réduite. En réalité, les sectes ne visaient pas à exploiter la situation à des fin révolutionnaires. Leur vrai but étaient la création d'un « parli révolutionnaire». Elles exploitèrent la conjoncture pour étoffer leurs forces. Pour elles, le développement de leurs organisations était la condition première de la révolution. Aussi les luttes ne furent le plus souvent que des occasions de rl:êcruter des adhérents, et bien des actions ne furent conçues qu'en vue de renforcer l'organisation. La violence extrême résultait fréquemment de la concurrence entre fractions, avec l'espoir de voir les « masses » s'engager. Or, ce type de manifestations, loin de provoquer un choc moral positif, a éloigné les masses. Il faut aussi signaler la pauvreté de pensée des sectes. Si l'on caractérise l'enfant par une confusion entre réalité et illusion, on peut dire que ces fractions étaient d'esprit enfantin. Elles ne menaient aucun effort pour atteindre la lucidité. Pour elles, la théorie n'était que prétexte à polémiques, elle n'était invoquée que pour justifier des conclusions ... préalables. Elles n'étaient pas capables de saisir la réalité nouvelle d'un capita24
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==