Hors de l'entreprise CETTE sujétion dans l'entreprise trouve-t-elle au moins des compensations au dehors, quand l'ouvrier des Chantiers est enfin libéré du carcan de la rationalisation des tâches ? A noter, tout d'abord, que, dès le coup de sirène, les travailleurs postés aux différentes sorties des Chantiers, envahissent la chaussée, et le quartier de Penhoët, somnolent durant les heures de travail, se réveille. C'est alors le spectacle toujours surprenant de m1lliers de bicyclettes, de cyclomoteurs déferlant autour des voitures démarrant elles aussi sur l'avenue de Penhoët. Et, cependant que quelques-uns s'attardent autour des éventaires provisoires de quelques maraichers, pêcheurs ou marchands de moules venus offrir leurs produits, les ouvriers habitant la côte, ceux de Pornichet, de La Baule, du Croisic, etc., s'empressent vers les trains ouvriers qui les conduiront à destination. Certains de ceux qui empruntent les cars .de la Brière et autres lieux, en attendant le départ, vont hâtivement prendre le verre de l'amitié dans les nombreux bistrots qui bordent le terre-plein des Chantiers et des rues avoisinantes. Au temps où les moyens de locomotion motorisée étalent rares et où beaucoup, ne pouvant se permettre l'achat d'une bicyclette, allaient à pied, nombreux étalent les ouvriers qui s'attardaient plus volontiers dans les cafés, soit pour se remettre d'un travail qui, à l'époque, était plus pénible et les journées plus longues, soit· pour reculer le moment de retrouver une marmaille bruyante que leur inconscience avait multipliée. Là, les habitués avaient leur table réservée, les verres préparés, et le temps passait souvent en beuveries prolongées. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ils n'en ont plus le temps. Même devant les machines à sous et les bottes à musique bOn nombre d'entre eux ne s'attardent plus ou rentrent directement chez eux. D'ailleurs, Us ont maintenant un autre attrait : le petlt écran, le cinéma à domicile est venu leur procurer un nouveau moyen d'évasion - et aussi, hélas, de conditionnement. Tenus par les horaires du feuilleton ou des jeux télévisés, ils sont pressés de se retrouver devant la botte à Images grâce à laquell~, en se distrayant, lls oublient un moment leurs soucis. Là, e~ outre, des informateurs stylés pensent pour eux, les informent rapidement - d'aucuns diront les intoxiquent - d'une manière attrayante sans qu'ils aient à fournir l'effort ni à prendre le temps qu'exige la lecture d'un article. · 27
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