NICOLAS FAUCIER Saint-Nazaire connaissait alors un nouvel essor et voyait sa population s'élever, en dix ans, de 21 000 à 31000 habitants. L'entre-deux guerres LA COMMUNAUTÉ ouvrière de Saint-Nazaire, c'était cette foule d'environ 6 000 ouvriers qui se pressait chaque matin aux portes d'embauche des Chantiers de la Loire, Penhoët et de l'usine de Trignac ; les uns venant des divers quartiers de la ville, d'autres de la Grande-Brière et au-delà. Des moyens de communication créés pour eux les amenaient : petit train cahotant du Morbihan, archaïque avec sa voie étroite et sa locomotive toujours essoufflée, navette de Pontchâteau, cars dont le point d'attache était Saint-Joachim, au centre de la Brière ; d'autres travailleurs encore arrivaient de Pornichet, du Croisic ; certains, venus du sud de la Loire, passaient l'eau matin et soir par le bac du Mindin. Tous, d'où qu'ils vinssent, avalent en bandoulière la musette et, à la main, la petite gamelle contenant leur casse-croQte ou leur repas de midi. En général, ils portaient un vêtement de cuir et parfois des jambières de toile cirée qui leur permettaient, par les interminables jours de pluie, de parcourir sans dommage, à bicyclette, les quelques kilomètres qui séparaient cars et trains de leurs maisons dispersées dans les campagnes. Il fallait voir aux heures de sortie cette fourmilière mouvante de vélos débouchant de toutes les portes en tous sens, couvrant le terre-plein des Chantiers avant de s'envoler dans toutes les directions, pour comprendre la force potentielle de cette masse ouvrière. Longtemps inorganisée, elle avait appris à se grouper autour des syndicats et, en particulier, du plus important de tous, celui des métallurgistes dont les ressources avaient permis de constituer une caisse de grève, de chômage et de maladie. Mals ce prestige reposant uniquement sur la confiance que lui témoignaient les ouvriers, était fragile. Il lui fallait batalller sans cesse pour la maintenir, la révelller par le rappel des avantages obtenus. Cela d'autant que les ouvriers demeuraient indifférents aux questions sociales théoriques, portant leur intérêt sur celles plus concrètes des salaires et des conditions de travail. Ce qui allait compliquer encore la situation fut l'atmosphère de querelles incessantes dues à la division syndicale après la scission et la naissance de la C.G.T.U. (Confédération Générale 10
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==