JEAN BARRUÉ et sans plan ordonné. Les tout jeunes Augustin Thierry et Auguste Comte sont ses collaborateurs. Après la mort du mattre, le saint-simonisme connait un vif succès dans les milieux intellectuels et scientifiques, et chez les jeunes polytechniciens. Malgré sa brève parution, le journal Le Producteur recueille des adhésions enthousiastes. Bazard, dans une série de cours, donne une forme ordonnée au saint-simonisme et réunit ses leçons dans l'Exposition de la doctrine saint-simonienne. 1829 marque l'apogée du mouvement: sa ruine sera consommée en trois ans. Olinde Rodrigues et Enfantin s'inspirèrent des tendances vaguement mystiques de la dernière reuvre de Saint-Simon : le Nouveau Christianisme, fondent la Religion Saint-Simonienne, avec son culte, ses pretres et son « pape > Enfantin, qui se proclame pontife de la Jérusalem nouvelle. Bazard, Bouchez, Leroux rompent avec Enfantin et c'est la scission. La folie mystique d'Enfantin suffisait déjà à déconsidérer le saint-simonisme, sans qu'il ffit nécessaire d'y ajouter encore l'affranchissement total de la femme, la réhabilitation de la chair et le contr6le de la vie sexuelle par le pontife saint-simonien ! En 1832, à la suite' des procès intentés pour ill}moralité et escroquerie, l'Ecole reçoit le coup de gràce, et en 18~3 elle cesse pratiquement d'exister. La brusque décadence d'un mouvement florissant s'explique en grande partie par les folles innovations d'Enfantin qui furent sévèrement jugées par les contemporains, par Proudhon, par Sainte-Beuve, par Renan. Vigny écrit en 1832 (Journal d'un Poète) : « la comédie saint-simontenne se termina par une mascarade grotesque >. Et Heine qui assistait à Paris, lors de l'épidémie de choléra, aux prédications des prètres de la nouvelle religion, les touma en dér1s1on dans ses correspondances au Journal d'Augsbourg. En France, pour une fois, le ridicule tuait ... Les esprits légers ont malheureusement retenu du saintsimonisme la caricature imaginée par Enfantin. Les extravagances du disciple ont donné du ma'.itre une fausse image. Et cependant Saint-Simon a marqué d'une forte empreinte tous ces esprits distingués qui avaient suivi ses leçons. On sait que ce sont des saint-simoniens : ingénieurs, administrateurs et f\nanciers, qui sont à l'origine des chemins de fer en France. Et. peut-on oublier que ce fut ce fou d'Enfantin, ex-polytechnicien, qui - après bien des tribulations - unifia le réseau P.L.M. ? Les frères Péreire, saint-simoniens et banquiers, ont, les premiers, organisé le crédit mobilier ... Les ententes d'industriels, les trusts, sont dans la ligne saint-simonienne. Le canal de Suez est l'reuvre de saint-simoniens et de Lesseps sera, après Suez, 6
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