Interrogations - anno II - n. 2 - marzo 1975

Actualitéde Saint-Simon par JeanBarrué S ELON une tradition soigneusement entretenue, Marx et Engels ont fondé durant les années quarante du siècle dernier le socialisme scientiflque, qui succédait à un ensemble de doctrines confuses qualifié socialisme utopique. Scientifique, utopique : on conçoit que le rapprochement de ces deux épithètes suffit à donner à la seconde un sens péjoratif ! La méme tradition veut que Proudhon, difficilement classable, soit un petit-bourgeois, que le socialisme antiautoritaire et antiétatique de Bakounine ne soit - selon Engels - qu'une synthèse de Proudhon et cte . . . Stirner, et que les ouvriers parisiens des années soixante fussent infectés - selon Marx - d'un stirnérisme proudhonisé. Comme les disciples modernes de Marx et de Lénine savent battre la grosse caisse et en ont les moyens, il ne faut pas s'étonner que certaines légendes ont la vie dure. Certes, dans le socialisme utopique, Saint-Simon occupe une place un peu à part. Le jugement favorable de Engels, le fait que le jeune Marx ait été - selon ses propres termes - imprégné des idées de Saint-Simon, lui ont valu l'indulgence de la postérité : dans la préhistoire du socialisme, il est le premier des réformateurs sociaux. Mais ce coup de chapeau une fois tiré, nul ne s'est occupé pendant longtemps de SaintSimon et de sa doctrine ; les plus érudits gardaient le souvenir de la célèbre parabole des frelons et des abeilles ; pour les autres, Saint-Simon n'était qu'un nom parmi tous les représentants du socialisme utopique. Et pourtant, que d'enthousiasmes juvéniles et de dévouements avait suscités Saint-Slmon ! Que de savants et d'ingénieurs éminents étaient sortis de l'Ecole saint-simonienne ! Une magniflque flambée qui dura molns d'un quart de siècle. Saint-Simon expose ses doctrines sociales de 1816 à 1825, date de sa mort, dans un grand nombre de livres, brochures et articles, d'une fa90n souvent confuse 5

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