Interrogations - anno II - n. 2 - marzo 1975

JEAN BARRUÉ triomphe : le dirigeant véritable n'est plus ni l'ingénieur, ni le savant, mais l'administrateur (au sens large du mot), c'est-à-dire celui qui coordonne et dirige les efforts de tous (... ) L'entreprise, devenue trop grande, se bureaucratjse, et d'autant plus que l'Etat tend inévitablement à y pénétrer. La nouvelle classe E ST-CE à dire que les anarchistes se re:fusent à reconnattre les compétences et les capacités et, sous prétexte d'égalité, veulent procéder au nivellement des intelligences ? Il n'en est rien et Proudhon ainsi que Bakounine ont reconnu le rOle essentiel des techniciens et des savants dans les spécialités qui relèvent de leur compétence. Mais les anarchistes pensent qu'une création n'est vraiment collective que si tous les intéressés participent aux pouvoirs de décision ; certes, ils prennent conseil de toutes les capacités reconnues, mais en contrepartie il n'est si grand savant qui ne tasse son pro:fit de l'avis du plus humble des exécutants. Ensuite que les plus capables, sous le contrOle de tous, assurent l'exécution en coordonnant les e:fforts et en répartissant les tàches. Mais alors nous sommes loin du saint-simonisme qui remet l'organisation économlque aux mains d'une élite de che:fs industriels asslstée d'une élite de savants. La conception saintslmonlenne s'exprime sans ambigui'.té dans un article du Censeur (1815), dont François Perroux donne dans Industrie et Création collect,ive un extrait signi:ficati:f : un parti (il s'agit du parti industrie!) est organisé lorsque tous ceux qui le composent, unis par ,des principes communs, reconnaissent un chef qui concerte tous les mouvements et dirige toutes les opérations. Nous sommes opposés à cette conception autoritaire et à cette mystique du chef - cette super-capacité - aussi bien dans la politique que dans l'économie. Nous ne pensons pas davantage que de la réunion de savants, chacun compétent dans une spécialité, puisse jaillir une vérité infaillible. Déjà Al:fred de Vigny, bien revenu en 1840 de ses sympathies saintsimoniennes d'avant 1832, écrivait dans le Journal d'un poète : (le saint-simonisme a donné) aux hommes intelligents l'excès de vanité qui leur fait croire que, lorsque tout sera à la capacité, chacun, étant le plus capable, doit tout posséder. Et nous sommes bien d'accord avec le jugement que Bakounine porte en 1872 sur un gouvernement possible des savants et des tétes débordantes de cervelle : « ce sera le règne de l'intelligence scientifique, le plus aristocratique, le plus despotique, le plus 22

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==