280 raient utiliser la plate-forme d'un pays neutre pour se livrer à une propagande révolutionnaire intense ; à défaut, ils l'ont tentée à. BrestLitowsk par la voix de Trotski, mais sans résultat à court terme. On sait comment l'armée allemande a mis fin brutalement à leurs espoirs. C'est alors, mais alors seulement, que Lénine se soumit à l'inévitable, signa une paix à tout prix pour sauver son régime en péril de mort, « cédant de l'espace pour gagner du temps », lui qui avait misé avec son parti sur une « paix démocratique sans annexions ni indemnités », qui avait promis de n1ener une « guerre révolutionnaire » plutôt que de s'incliner devant l'impérialisme. Il devra expliquer patiemment à ses disciples impatients et belliqueux : « La paix ' ' "' d 1 n est qu une treve entre eux guerres », et eur faire voter une résolution de préparer en secret la revanche. L'intervention des Etats-Unis devait décider l'issue du conflit mondial et, annulant le traité de Brest-Litowsk, vaudra à Lénine parmi les siens l'auréole du prophète. MM. Zeman et Scharlau font abstraction des vérités historiques les plus sûres, ils escamotent la crise tragique du Parti divisé sur la paix ou la guerre : pour eux, tout se ramène à Parvus et à l'argent, comme si l'argent était la « mesure de toutes choses ». On n'a pas vu passer beaucoup d'argent avant le coup d'Octobre et son emploi n'est pas clair (voir plus loin). A partir de novembre 1917, l'argent augmente, mais c'est à n'y plus rien comprendre. · D'entrée de jeu, Kühlmann demande 15 millions de marks pour la « propagande politique en Russie » (doc. n ° 75). Quelle propagande et faite par qui ? Mystère. Le nom de Parvus brille par son absence. Il n'y a pour ainsi dire plus de front russe. Les bolchéviks ont fait main basse sur les caisses publiques, sur les banques, sur la planche à billets. Tous les belligérants allouent des fonds pour leur propagande, les Allemands ne font pas exception, mais personne ne peut se targuer d'influencer Lénine. Le cornte Czernin écrit au Chancelier allemand : « Lénine essaie d'attiser la révolution sociale dans les Empires centraux »... (doc. n° 77). Peu après, la Wilhelmstrasse se plaint des attaques virulentes déchaînées par les bolchéviks contre l'Allemagne impériale, de leurs appels aux soldats allemands pour qu'ils désobéissent et déposent les armes, etc. (doc. n ° 113 ). Et peut-on ignorer qu'en effet Lénine s'évertuait à « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » dans tous les pays, conformément à son programme? Ce ne sont pas les preuves et les textes qui manquent. · BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL A quoi pouvait alors servir l'argent allemand? Le comte Mirbach, ambassadeur à Moscou, télégraphie à son ministre le 16 mai 1918 que « l'Entente est supposée (sic) dépenser d'énormes sommes afin de mettre les s.-r. de droite au pouvoir » ; il demande s'il ne devrait pas dépenser lui-même plus largement pour contrer les efforts de l'Entente (doc. n° 128). Le même télégraphie le 3 juin 1918 qu'en raison de la « forte co1npétition de l'Entente, 3 millions de marks par mois sont nécessaires » (doc. n ° 131). Son collaborateur écrit le lendemain : « ... Nos roubles dévalués disparaissent à une allure rapide» (doc. n° 132), et l'on s'interroge sur leur usage. Le document suivant (n ° 133) dit que « Mirbach a dû dépenser des sommes considérables·» pour empêcher « une orientation de la Russie vers !'Entente » et que « les s.-r. sont complètement vendus à l'En- • tente ». Qu'est-ce à dire, sinon que pour les uns et les autres, l'argent est « la mesure de toutes choses »? Le 11 juin 1918, la Trésorerie vire 40 millions de marks à la Wilhelmstrasse, mais Mirbach sera assassiné le 6 juillet et « il est douteux que ces fonds aient atteint Moscou », remarque M. Zeman. Le dernier message de Mirbach, du 25 juin, répétait que les s.-r. sont « financés par !'Entente » et prévoyait qu'en cas d 'effondrement des bolchéviks, il faudrait s'aboucher avec les Octobristes et les Cadets, monarchistes constitutionnels (doc. n ° 136 et dernier). Une chose est sûre : Lénine et son équipe au pouvoir sont aux prises avec les pires difficultés de toutes sortes, sauf monétaires. * * * Ainsi, relativement peu de marks et de roubles ont été affecté.s en termes vagues à la « révolution russe » avant Octobre, sans qu'on en sache vraiment la destination et l'usage. Les sommes augmentent sensiblement après Octobre, alors que les bolchéviks n'en ont pas besoin (ils ont confisqué quantité de valeurs, étatisé les banques, ouvert les coffres, et ils font travailler la Mqnnaie). Aucun document Kühlmann ne vaut là-contre. L'histoire de « la clef d'or allemande dans la révolution bolchévique », selon l'expression de P. S. Melgounov, repose essentiellement sur Parvus et ses relations personnelles à Stockholm avec le prétendu « trio polonais » (Ganetski, Radek et Vorovski) et ses accointances (Kozlovski et Ouritski), autrement dit sur les révélations de Juillet dont l'actualité fiévreuse avait provisoirement tourné la page. Avant de considérer de plus près cette affaire, quelques remarques s'imposent quant à
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