Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

LE RÉVEIL NATIONAL EN UKRAINE par Tibor Par sa superficie l'Ukraine se situe au deuxième rang des pays d'Europe, tout de suite après la République soviétique de Russie. Elle possède des frontières bien déterminées, une langue qui lui est propre, une histoire séculaire et même ces attributs hautement significatifs, à notre époque, de la souveraineté intégrale : drapeau et hymne nationaux, siège aux Nations Unies. Et pourtant, qui en Occident reconnaît à l'Ukraine la qualité d'Etat ? C'est qu'en dépit des apparences, l'Ukraine n'est pas un Etat, mais seulement ce qu'il est convenu d'appeler une « République de l'Union » en U.R.S.S. Autrement dit : une division territoriale du dernier des grands empires coloniaux. D'où le manque d'intérêt qu'on lui porte dans ce monde qui est le nôtre, plus que jamais voué à la tartuferie. L'accession à l'indépendance de la moindre parcelle de forêt vierge africaine, du plus minuscule îlot perdu au bout du Pacifique, voilà qui chez nous mérite l'attention. Quant au maintien dans les fers de mainte nation européenne riche d'une longue histoire, pourquoi les hommes de progrès s'en soucieraientils ? Fermement engagés dans la lutte contre les vestiges du colonialisme occidental, ils se félicitent au contraire du soutien inconditionnel que leur apporte le plus grand et le plus opprimant des empires constitués. Rien n'illustre mieux et la nature de cette oppression et l'opiniâtreté de la résistance qu'elle suscite que l'histoire récente de l'Ukraine. Celle-ci rompt en 1918 ses liens avec la Russie, mais ne conserve son indépendance que pendant deux ans - deux années de guerre civile impitoyable. Pendant les années vingt, c'est d'abord l'accalmie relative de la nep : le pays renaît peu à peu, retrouve un certain équilibre économique et social, connaît même un BibliotecaGino Bianco Szamuely véritable renouveau sur le plan des arts et de~ lettres. Mais dès 1928, Staline prend sa décision fatidique : la collectivisation de l'agriculture. En l'espace de six ou sept ans la population de l'Ukraine diminue de quelque dix pour cent - saignée qui est sans doute, en temps de paix, sans précédent dans l'histoire. Les autorités communistes réussiront à tenir le reste du monde dans l'ignorance à peu près complète de ce chapitre de l'histoire de l'Union soviétique. Même de nos jours, on sait seulement l'essentiel : pour la seule Ukraine, au moins quatre millions de victimes de la famine artificielle de 1932-33, plus de deux millions de déportés en Sibérie, plusieurs centaines de milliers d'hommes et de femmes exécutés ou morts dans leurs prisons. Lorsque commence la grande épura tian de 1936-38, l'élite intellectuelle ukrainienne est déjà presque entièrement exterminée. Pour terminer la besogne, Staline désigne Khrouchtchev, lequel connaît bien le pays pour avoir travaillé naguère comme mécanicien dans les camps miniers du Donbass. Dès les premiers mois de 1938, auront été arrêtés - et pour la plupart exécutés - tous les membres du comité central et du gouvernement ukrainiens, tous les directeurs de département et chefs de la police, tous les secrétaires du Parti à l'échelon régional et départemental, tous les présidents de soviet aux mêmes échelons, tous les dirigeants et administrateurs de l'industrie, enfin la quasi-totalité des écrivains, journalistes et savants en renom. Comment s'étonner, dans ces conditions, que les Allemands, lorsque leurs armées déf er lent en juin 1941 sur les plaines de l'Ukraine, soient d'abord accueillis comme des libérateurs ? Mais très vite la population est détrompée : les membres du gouvernement ukrainien con .

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