Le Contrat Social - anno XII - n. 4 - dicembre 1968

QUELQUES LIVRES traiter ensuite du rôle de ces derniers dans les révolutions de Février et d'Octobre. Après la prise du pouvoir par les bolchéviks, l'auteur expose les idées changeantes de Lénine, la création des comités de paysans pauvres qui menèrent la guerre civile contre les paysans plus aisés, les effets du « communisme de guerre » sur la vie rurale, puis la famine et la détresse qui en furent les conséquences. Lénine comprend in extremis l'aberration de ses méthodes et improvise la volte-face de la NEP (nouvelle politique économique), que la Russie paysanne accueille avec un soulagement trop naturel et qui ranime bien vite l'économie malade de la peste autoritaire. Mais sous Staline commence la collectivisation forcée, avec son cortège de violences, de spoliations, d'arrestations, de déportations, d'assassinats et de massacres sans nom, d'où résultent le dépeuplement des villages, l'abattage en masse du bétail et une terrible famine qui laisse derrière elle des millions de victitnes. Ida Mett décrit alors la structure et l'administration des kolkhozes, la condition paysanne pendant la guerre mondiale, le projet avorté des « agrovilles », la situation consécutive à la mort de Staline, la mise en culture des terres vierges en Asie Centrale, les concessions faites aux payssans sous la houlette de Khrouchtchev, enfin l'état des choses actuel avec ce qu'il comporte d'incertitude et d'inquiétude légitime. Le Parti unique, omniscient et omnipotent, renoncera-t-il à son dessein de transformer l'agriculture selon le modèle industriel, les paysans selon le type des ouvriers d'usine ? Un demisiècle après l'avènement des communistes au pouvoir, rien n'est assuré, hormis l'échec de toutes leurs tentatives, de toutes leurs manœuvres, de toutes leurs vivisections sociales qu'Ida Mett a bien mis en lumière en de courts chapitres à la portée d'un large public populaire. GEORGLUKACS: Lénine. Préface de J. M. BROHMP. aris 1965, Etudes et Documentation internationales, in-12 de 128 pp. T RADUCTI0NFRANÇAISEd'une brochure qui date de 1924 et qui offre trop peu d'intérêt en elle-même pour être commentée autrement qu'en l'incluant dans des considérations générales pour lesquelles ont manqué le temps et la place dans notre revue. Usant d'un jargon hegelien qui permet de dire n'importe quoi et son contraire, se présentant comme BibliotecaGino Bianco 291 l'incarnation du prolétariat, de la conscience de classe et du parti omniscient, on se demande à quel titre, G. Lukacs aligne toutes sortes d'affirmations sans preuves, aussi arbitraires que catégoriques, et que les faits ont démenties depuis une quarantaine d'années l'une après l'autre. Rien n'a subsisté de ces fictions verbeuses au contact des réalités tangibles. La préface apologétique plagie le jargon de Lukacs jusqu'à la caricature, à grand renfort d'aliénation, de conscience réifiée, de transgression conceptuelle, de praxis et autres fariboles. Elle enseigne des choses comme « la conscience de classe juste brise théoriquement les cadres bourgeois rigides et dissout la réification », alors que la conscience de classe n'existe pas, juste ou pas juste, ne brise rien, et que tout cela n'a aucun sens. Ou bien : « Le parti est la boussole du prolétariat, son seul guide possible », alors qu'André Sakharov, bien renseigné à la meilleure source, révèle que Staline a exterminé la moitié de son parti, qu'il ne reste donc qu'une moitié de boussole, la moitié d'un guide, et la plus mauvaise moitié, Staline ayant sélectionné les cadres et l'élite du parti de Lénine pour les faire périr. Le préfacier n'ignore pas qu'en 1924 précisément, date de la brochure, Zinoviev et Boukharine ont accusé Lukacs d'hérésie et que le parti omniscient le taxait de déviation, d'idéalisme, des pires péchés capitaux*. Or Zinoviev et Boukharine avaient autant de titres que Lukacs à pontifier au nom du prolétariat, de la classe, du parti et de !'Histoire· avec un grand H, laquelle Histoire les a tous remis à leur place. D'autre part, ce M. Brohm reconnaît en passant que Lukacs a renié deux fois (ajoutons : au moins) son opus magnus, qu'il a rétracté Histoire et conscience de classe, qu'il a « fait encore une fois son autocritique ». Cela devrait nous épargner l'exhumation de ces * Lénine, en 1920, commentant un article de Lukacs, le jugeait « très mauvais », affligé de maladie infantile gauchiste et d'un marxisme « purement verbal». En 1924, A. Deborine dans « G. Lukacs et sa critique du marxisme » et L. Rudas dans « Le marxisme orthodoxe», Messager de l'Académie communiste, n°' 8, 9 (et 10 de 1925), ont vertement réfuté les «erreurs» de Lukacs, mais néanmoins celui-ci fit carrière sous Staline. A partir de 1958 ont paru de nombreuses réfutations du « révisionnisme en esthétique » de Lukacs, en russe (G. Egorov, dans Voprossy Philosophii) et surtout en hongrois (J. Revai, B. Fogaras et autres). Quant à l'Encyclopédie philosophique, t. 3, Moscou 1964, elle mentionne maintes « fautes» et déviations de Lukacs en matière de philosophie, d'esthétique, de « réalisme socialiste ». Tout cela est d'un niveau intellectuel pitoyable.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==