P. BARTON ne put être éliminé tant que l'appareil demeura intact. Quand les premiers craquements se produisirent, les protégés de la direction se sentirent soudain inquiets. Ayant peu de goût pour les causes perdues, ils se mirent à passer un à un du côté des adversaires de Novotny. Quand le temps de se compter fut venu, le clan Novotny se trouva à ce point réduit que Brejnev luimême ne put tirer d'affaire le premier secrétaire. Celui-ci essaya du coup d'Etat : la fuite aux · Etats-Unis du général Sejna fut le seul résultat de cette tentative. Au reste, l'attitude des militaires en la circonstance montre clairement combien l'appareil était dès lors affaibli. Selon des renseignements recueillis par Andreas Razumovsky, pendant des années et jusqu'à décembre 196 7 correspondant à Prague d'un grand quotidien allemand, les généraux fidèles envisagèrent à la dernière minute un plan pour investir Prague, mais il suffit, pour mettre fin à leur beau projet, qu'un autre général dépêchât un certain nombre d'élèves de l'Académie militaire porteurs de contreordres auprè~ des unités stationnées hors de la capitale (cf. l'article du journaliste cité dans Osteuropa, mars 1968 ). A ce jour, Alexandre Dubcek et ses alliés n'ont pu affirmer leur autorité que dans la mesure où ils tiennent compte d'une situation de fait. En tolérant la mise en veilleuse de la censure, en déclarant que le Parti ne se mêlera plus de la gestion des entreprises, en proclamant que la tâche des syndicats est de défendre les intérêts des travailleurs, en promettant une prompte révision des procès politiques, la nouvelle équipe dirigeante parvient tant bien que mal à créer l'illusion qu'elle s'applique à démanteler l'appareil totalitaire. En réalité, elle se borne à accepter publiquement les conséquences inévitables d'un fait accompli. L'héritage cc hongrois » EN UN AUTRESENS encore, les événements de Tchécoslovaquie sont un fruit du soulèvement hongrois. On n'a pas oublié la passivité apparente des Tchèques et des Slovaques avant, pendant et après la révolte de leurs voisins. Contrairement à l'opinion généralement répandue, il s'en est fallu de beaucoup que la, Tchécoslovaquie demeurât parfaitement calme. Il n'en reste pas moins qu'elle ne connut que des troubles mineurs et sporadiques. Dans une large mesure, la faiblesse de ces manifestations tient a la propre expérience des Tchèques et des Slovaques. Biblioteca Gino Bianco 105 Il importe ici de rappeler que, de tout le monde communiste, ils furent les premiers à tenter, au début de juin 19 5 3, de se soulever. Ce que la presse occidentale présenta à l'époque comme une simple affaire locale - la « révolte de Pilsen » - revêtit en réalité l'aspect d'un vaste mouvement ouvrier qui éclata simultanément dans un grand nombre de centres industriels et miniers. En deux jours, la révolte fut réduite, avant même que la population rurale eût appris ce qui se passait dans les villes encerclées par l'armée et la police. De cette cruelle expérience, le peuple tira un enseigne·ment : -c'est qu'une insurrection n'est pas un moyen efficace d'en finir avec la dictature. (Il en fut de même pour les Allemands de l'Est trois semaines plus tard ; tout comme Tchèques et Slovaques, ils devaient surprendre le monde entier par la timidité de leur réaction en 1956.) Nombreux sont ceux toutefois qui ont longuement regretté leur passivité lors de la révolution hongroise. Le courage dont ils font preuve présentement n'est pas, semble-t-il, sans comporter quelque remords ... Il convient d'ajouter qu'en 1956 les dirigeants tchécoslovaques surent adopter une tactique astucieuse. Lorsque la pression commença à monter tant en Pologne qu'en Hongrie, le Parti, ici et là, tenta d'apaiser le mécontentement par des concessions. Du même coup, les vieux conflits qui couvaient parmi les dirigeants apparurent en pleine lumière, la révolte s'en trouvant encouragée d'autant. En Tchécoslovaquie, l'attitude officielle fut diamétralement opposée. Bien que la direction du Parti fût particulièrement divisée par luttes et querelles intestines, elle serra les rangs et adopta face au peuple un aspect monolithique. Certaines concessions furent consenties, mais de faible portée. Un secteur déterminé de la population tentait-il d'augmenter ses revendications (comme lors du congrès des écrivains en 1956 ), le Parti sévissait sans délai. Aucune réforme d'importance n'était envisagée ; on s'abstenait de toute initiative susceptible de déranger, si peu que ce fût, l'état de choses existant, qu'il s'agît de la politique ou de la production, des rapports sociaux ou des activités culturelles. Bref, la direction avait choisi l' « immobilisme ». Les sources de la révolution CEPENDANTl,' « immobilisme » est un luxe qu'un système totalitaire ne peut se permettre très longtemps. L'économie finit par accuser une dépression prolongée. Malgré tout l'art des statisticiens, les autorités furent obligées d'avouer qu'en Fondazione Alfred T m Biblloteca GiJ10 l ·<11
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