Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

K. BUSH structures : les ressources disponibles ne suivent pas la courbe ascendante de la rentabilité, l'usine à forte marge bénéficiaire ne parvient pas à augmenter sa production au-delà des prévisions du plan. On a commencé par convertir les entreprises plus grandes, mieux organisées, plus rentables. que ne l'est l'entreprise moyenne ; rien d'étonnant si, depuis leur conversion, leur rendement reste au-dessus de la moyenne. Les vrais problèmes se poseront lorsque le nouveau régime s'étendra aux usines à rendement moyen ou inférieur, encore que d'ici là on aura sans doute surmonté certaines des difficultés initiales. L'expérience de ·la première année a mis en évidence que rien sans doute ne fait plus efficacement obstacle aux réformes que l'inertie bureaucratique. Il ne s'agit nullement de l'activité occulte de quelque « groupe antiparti » voué au sabotage des réformes, mais tout simplement de la· résistance opiniâtre qu'opposent au changement les fonctionnaires sovi_étiquesde tous les échelons et dans toutes les branches. Depuis deux générations se succèdent dans les bureaux des hommes rompus à des méthodes bien déterminées et il est extrêmement difficile de les convaincre de la nécessité d'en introduire de nouvelles. Au cours de la phase initiale, il ne semble pas que les réformes aient suscité beaucoup de résistance au niveau des cadres d'entreprise, mais on peut se demander s'il e_n sera de même plus tard, lorsque seront convertis les établissements moins favorisés. Les effets de certaines dispositions, par exemple celles qui tendent à accroître le rôle du fonds de développement de la production. ou celui des crédits bancaires, ne se feront pleinement sentir que dans plusieurs année's ; il est difficile d'en supputer dès à présent l'intérêt. Quoi qu'il en soit et jusqu'à nouvel ordre, rien ne permet de penser que le nouveau système soit en passe de surmonter ou d'atténuer certaines des faiblesses endémiques de l'économie soviétique, telles que l'éparpillement ~es ressources, le déclin persistant de l'efficacité marginale du capital et les difficultés soulevées par le dépassement des objectifs. Bien d'autres problèmes. restent à résoudre. L~~ nouve~ux prix devraient assurer une rentabilité de 1 ensemble de la branche d'industrie, mais dans cette branche subsisteront des entreprises déficitaires ; comment le système des stimulations fonctionnera-t-il dans ces entreprises ? D'autre part, Birman et certains autres économistes ont soulevé une question délicate : quel est le degré de non-rentabilité qui entraîne la fermeture d'un établissement? On peut en poser d'autres, non moins délicates : En l'absence d'importations Biblioteca Gino Bianco 45 concurrentielles, quelles garanties existe-t-il contre les pouvoirs monopolistes ou oligarchiques des « groupements » ( obedineniia ), de plus en plus puissants ? Que faire pour refréner l'excès de zèle qui consiste à imposer la khozrastchot (rentabilité de l'entreprise) à toutes sortes. de subdivisions où elle n'a que faire ? Dans .quelle mesure le système d'approvisionnements matériels et techniques peut-il fonctionner selon les principes du commerce de gros, en présence de la pression de la demande ? Le point le plus faible de tous est la détermination arbitraire des prix. Tant que les prix ne refléteront pas la réalité, on continuera de fabriquer des produits non ·optimaux, la maximisation des profits ne se répercutera pas nécessairement sur la structure de la production et il faudra toujours contraindre les usines, par la fameuse nomenklatura, à fournir des .: articJes peu ou ·non rentables. La seconde f~iblesse essentielle du programme de réforme pourrait bien être ·l'accueil défavorable ou simplement l'apathie des salariés au cas où ils constateraient que les accroissements d~ la productivité et les relèvements des normes de travail ne s'accompagnent que d'augmentations marginales du salaire. Pour que les mesures de décentralisation, si limitées qu'elles soient, donnent des résultats, il faudrait en principe donner un peu de jeu aux rouages économiques, diminuer la tension qui se manifeste à tous les niveaux. Or les réformes ont ·été introduites à un moment où la pression de la demande sur les ressources disponibles est aussi forte que jamais. On connaît les causes principales : volonté toujours affirmée de maintenir un taux élevé de croissance; multiplication - tardive - des investissements dans le secteur agricole, dans l'espoir de le tirer du bourbier où il s'est enfoncé ; efforts inlassables pour se maintenir à égalité avec la puissance militaire offensive et défensive des Etats-Unis ; détérioration. persistante, pour !'U.R.S.S., des termes de l'échange ; accentuation, à l'intérieur, de tendances inflationnistes. Il est peu probable que ces pressions sur l'économie s'atténuent dans un proche avenir. De même, les difficultés chroniques auxquelles les réformes apportent un remède partiel ne disparaîtront sans doute pas d'elles-mêmes. Bref, tout se passe comme si l'on s'était trouvé obligé de commencer le traitement à un moment qui n'avait rien de favorable. Comment l'ensemble de l'économie réagira-t-il au remède ? On devrait pouvoir donner bientôt un commencement de réponse. (Adapté de l'anglais) KEITH BusH.

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