Le Contrat Social - anno XII - n. 1 - gen.-mar. 1968

30 nos gouvernements et de nos pays respectifs, que nous sommes prêts à nous consacrer à la lutte contre le danger rouge. En vue de l'accomplissement de c.c: devoir sacré, je vous adjure d'oublier toutes prétentions, territoriales ou autres, en Russie, ainsi que tous dissentiments ou querelles personnels. Pour la lutte de la civilisation contre les barbares, je vous appelle à l'union. » Grenard, De Witt Poole et les autres ne pouvaient que renchérir ... Aucune objection n'étant formulée, Lockhart leva la séance : « Je suis heureux de constater que nous sommes tous d'accord. Dans quelques jours, nous vous communiquerons le plan concret de l'opération. Pour l'essentiel, il est déjà au point ; cependant il y a lieu de préciser certains détails » (pp. 156-60). * * * LE PRÉTENDU PLAN était très audacieux, mais fort bien conçu. Le Kremlin avait décidé de tenir le 6 septembre, au Grand Théâtre, une séance plénière du Comité central exécutif et du soviet de Moscou. Ce qui signifiait que, ce jour-là, tous les bolchéviks importants, Lénine en tête, seraient réunis. Pour Reilly, il importait d'étudier les lieux. Il demanda à Berzine de le mettre en rapport avtc le chef du service de garde afin d'examiner sous sa conduite les foyers, la salle, la scène et les coulisses : - Mais sous quel prétexte? L'officier s'informera à coup sûr des raisons de pareille visite. - Vous inventerez quelque chose. N'oubliez pas que j'ai une carte d'identité de la Sûreté criminelle de Pétrograd. C'est très urgent. - Bien. Attendez-moi à minuit, rue Pétrovka, devant l'entrée secondaire du théâtre. Sitôt rentré au quartier, Berzine téléphona à Peters qui, après quelques instants de réflexion, annonça qu'il allait venir à la caserne. Bientôt, Peters était là avec le commandant en second du Grand Théâtre, le Letton Aboline : - D'accord avec Dzerjinski, le camarade Aboline vous introduira dans le bâtiment, après minuit. Il vous attendra devant l'entrée secondaire. Vous ne parlerez que le letton (pp. 202-203). · Aboline promena longuement, en silence, Reilly et Berzine à travers le dédale du théâtre. De temps à l'autre, l'irlandais demandait : - Où sommes-nous ? - Au foyer du balcon... Devant la sortie des artistes ... L'immense plateau fut examiné par Reilly avec un soin particulier. Il interrogea Berzine : - - Combien faudrait-il d'hommes pour enfermer ce vaste espace dans un cordon infranchissable ? - Au moins une compagnie. - Bon. Allons pour une compagnie, plus une section qui sera rangée le long de la rampe, face à la salle, pour interdire tout accès au plateau (pp. 207-208). Biblioteca Gino Bianco / LE CONTRAT SOCIAL Après. l'inspection, Reilly expliqua à Berzin\! le plan adopté : « La coalition des missions alliées a choisi la réunion du 6 septembre, au Grand Théâtre, pour renverser le gouvernement bolchéviste. La garde doit être assurée ce jour-là par les tirailleurs lettons qui vous sont acquis. Dès l'ouverture de la séance, vos hommes fermeront toutes les issues et tiendront l'assistance en respect avec leurs fusils. Une compagnie et une section complémentaire, commandées par moimême et formées des Lettons qui nous sont le plus fidèles, se précipiteront au même moment des coulisses sur la scène, à la fois côté cour et côté jardin, et, isolant le plateau, s'empareront des chefs bolc.liévis(es. En premier lieu, naturellement, on saisira Lénine et on le fusillera sans tarder. C'est une mesure qui s'impose. Désemparés, les autres dirigeants n'opposeront pas de résistance sérieuse. Tous, ils seront alors transférés à Arkhangelsk, où il sera .statué sur leur sort. Simultanément, les régiments lettons qui sont à nous s'empareront du Kremlin, de la Banque d'Etat, du central téléphonique, du télégraphe et du stock d'or que le gouvernement de Lénine a entreposé à la gare de Mitino 16 • En même temps, se soulèveront Pétrograd et d'autres villes (pp. 208-10). Le moment était venu de présenter Berzine aux diplomates conjurés. Lockhart invita ·donc à dîner De Witt Poole, Grenard, Vertamon, Kolomatiano, Reilly, etc. Au dessert, il aurait tenu ces propos invraisemblables : - Il me semble, messieurs, ·qu'il est temps de passer à l'action. L'étreinte se resserre sur les bolchéviks. Les troupes américaines et nippones ont débarqué à Vladivostok. Les unités franco-anglaises progressent avec succès dans le Nord. Chacun de nous sait que l'occupation coordonnée du territoire russe signifiera la fin. du pouvoir soviétique. Mais nous savons aussi qu'il ne sera pas facile d'écraser les Rouges sans une action menée de l'intérieur. L'insurrection des socialistes-révolutionnaires de gauche n'a pas donné, malheureusement, les résultats escomptés. Au cours de nos entretiens privés, je vous ai déjà exposé le plan de l'opération. Je suis heureux que vous l'ayez entièrement approuvé. Dans un instant, je vous présenterai l'homme qui va nous livrer les clefs du Kremlin. Il fit passer les invités dans son bureau et pria Reilly d'aller quérir le Letton qui attendait dans une ·pièce voisine, en ajoutant à voix basse : - Présentez-le nous le plus solennellement possible. Berzine s'impatientait, dans l'attente d'une épreuve pour lui décisive. - Excusez-moi de vous avoir fait attendre, mon colonel, dit en souriant Reilly. Vous me permettrez de vous appeler ainsi dorénavant. - C'est un avancement un peu trop rapide pour un ex-enseigne,.répliqua Berzine. Montrant la porte du bureau de Lockhart, Reilly le rassura : ' - - Pour les fonctionnaires qui sont réunis là, un grade militaire élevé est une recommandation nré- . ... c1euse. 16; Il s'agissait du stock d'or du gouvernement roumain, placé en· sécurité en Russie avant l'occupation de la Roumanie par· les Allemands.

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