Le Contrat Social - anno XI - n. 5 - set.-ott. 1967

QUELQUES LIVRES oublia. L'incendie fit bouillir l'eau. Et ensuite, longtemps, flotta autour du Djourma un enivrant arôme de bouillon de viande (opianiaiouchtchii aromat miasnovo bouilliona). » Inutile d'insister sur le sens effroyable de cette ,dernière phrase, que les traducteurs (p. 337) ont délibérément modifié en « odeur écœurante ». Les noms de famille ont un masculin et un féminin, dans la plupart des cas, en russe. Il ne s'ensuit pas qu'il faille traduire : la Pitkovskaia, la Kozlova, la Derkovskaia, la Sourina, etc., tout au long de l'ouvrage. Cela est aussi grossier que si l'on disait la Desbordes-Valmore, la Noailles, la Colette, comme on dit - à juste titre - « la du Barry ». La nuance a échappé aux traducteurs. Ils ne savent pas que Soloveï le Brigand - Soloveï Razboïnik - est un rappel de la byline d'Ilya Mourometz, et sa façon d'appeler la staroste du wagon n° 7 « devant moi comme un brin d'herbe » le rappel d'une incantation fréquente dans les contes populaires russes. On se demande, après cela, comment la revue Entreprise du 14 octobre peut écrire : « Svetlana Alliluyeva a plus de talent que 99 sur 100 des gens qui se mêlent d'écrire, et elle a eu la chance d'avoir de bons traducteurs (Jean-Jacques et Nadine Marie). » Il faut dire aussi ce qu'est l'édition russe, publiée en janvier par Arnaldo Mondadori, de Milan. Cette maison centenaire qui passe pour la plus importante en Italie s'est permis de mettre sur le marché un texte fourmillant de coquilles qui rendent la lecture plus que pénible. Il n'est pas une des 474 pages qui ne contienne plusieurs erreurs typographiques. Un livre ne sent pas comme le poisson - et ce n'est qu'après l'avoir acquis et payé que l'on peut juger de la marchandise. Naguère, un éditeur se serait cru déshonoré de n'avoir pas mis toute l'édition au pilon. M. Marie, avec le « concours » de qui cette traduction a été faite, a jugé utile d'ajouter 27 pages de notes. Or, dans le cas présent, l'important n'est pas tellement de redéfinir le trotskisme, les déviations de gauche ou de droite, les alliances faites et défaites pour la possession du pouvoir ou l'application d'un programme, les opposants et les non-opposants, la ligne du Parti, etc. L'important, et c'est ce qui fait l'intérêt et la valeur du témoignage, c'est de savoir comment a été traitée, pendant cette époque tragique, la population russe et les étrangers réfugiés, savants ou intellectuels, ouvriersou paysans. · Biblioteca Gino Bianco 325 Mais puisque notes il y a ... Au jugement de M. Marie, le lecteur doit avoir de ·vagues notions politiques ou littéraires sur la Russie, puisqu'il ne donne aucun renseignement sur Staline, Trotski, Tchernychevski, Gorki, Pouchkine, Lermontov, Gogol, et même Ilya Ehrenbourg, dont les noms figurent soit dans le texte, soit dans les notes. Par contre, nous trouvons 16 lignes sur Kirov, 11 sur Iaroslavski, 13 sur Smilga, trois pages entières sur Zinoviev, Kamenev, Radek, Piatakov, 28 lignes sur Ordjonikidzé, 22 sur Boukharine, etc., c'est-à-dire une véritable glose tirée principalement de dictionnaires soviétiques mensongers et continuellement remaniés, glose qui n'avance en rien le lecteur. Quelques lignes pour chacun eussent amplement suffi à faire comprendre qu'il s'agissait des vieux bolchéviks et de toute l'intelligentsia du Parti, menée à la boucherie. Faites à la va-comme-je-te-pousse, pleines d'inexactitudes et d'incorrections, ces notes sont de plus mal rédigées : Iaroslavski « de 1922 à 1930 fut l'historien stalinien officiel, l'un des dirigeants de la lutte contre le trotskisme » (p. 395) ; Pilniak « fut obligé de démissionner de ses responsabilités » ; Radek collabora avec Lénine « dans la gauche de Zimmerwald » (p. 400); Nékrassov, tantôt Nicolaï (p. 401), tantôt Nicolas (p. 418), est à la fois « un poète libéral, démocrate, nationaliste et social » (p. 401) ; Plékhanov « meurt oublié en 1918 », oublié à tel point que le gouvernement soviétique crée un « musée Plékhanov », et qu'une des premières bibliographies établies par l'Institut Marx-Engels fut celle de Plékhanov, par V. Vaganian, publiée en 1923 par le Gosizdat; « le Comité exécutif [ de la Narodnaïa v·olia] abattit Alexandre II en 1881 et ses dirig,eants ( ... ) furent pendus en représailles » (p. 402) ; Iagoda est « destitué et nommé commissaire aux P.T.T., poste qui menait d'ordinaire à la mort » (p. 406) ; Rykov « adhéra au groupe du journal l'Iskra en 1901 » (p. 408); Lobatchevski, « mathématicien de Kazan ~ (p. 409) ; la « loi » du 1er décembre est-elle une « loi » (zakon) ou une « directive » (prikaz) ? (p. 412) ; Béria, « sans doute menacé à travers la dénonciation du complot des médecins (...), ses adversaires l'arrêtent en juillet 19 5 3 et l'aha ttent sans doute alors » (p. 415) ; Galina Sérébriakova, « après vingt ans en camp... » (pp. 415-416). Ces quelques exemples en disent assez. On voudrait comprendre pourquoi M. Marie n'éprouve pas le besoin d'expliquer ce qu'est le Sovrentennik (p. 403 ), le Bund (p. 407),

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