Le Contrat Social - anno XI - n. 4 - lug.-ago. 1967

206 ·dustrie et de la rationalisation ; mais il n'est démontré ni que ce soit une vérité dernière et absolue, ni même qu'en l'état présent des choses, il n'y ait des secteurs où d'autres normes ne demeurent pleinement valables. * * * CONSIDÉRATIONDSÉSUÈTES ? Vains rêves rétrospectifs ? Ceux qui jugent ainsi sont peutêtre moins réalistes qu'ils ne le. croient ; si les anticipations scientifiques sont toujours ha- - sardeuses, il paraît· clair pourtant que les nouvelles sources d'énergie favorisent la dispersion des entreprises et remettent donc partiellement en question une loi de concentration qu'on s'est trop hâté de déclarer intangible. D'autre part, et même si l'on s'en tient au monde tel qu'il est, on y voit se développer des expériences qui ne vont pas toutes dans le même sens. Il est étrange qu'on ait si peu étudié le socialisme d'Israël, où liberté et discipline ont trouvé leur juste équilibre, où la cellule de base est constituée par un groupement très solide, à la fois village communautaire, coopérative, et quand il le faut forteresse. Imposé par une situation exceptionnelle, ce régime s'est montré parfaitement compatible avec l'industrie moderne et d'une rare efficacité humaine autant ou plus qu'économique. Moins cohérent, plus primitif, celui qui a été institué par Vinoba dans une province de l'Inde grande comme la France n'en a pas moins rendu des services ; c'est sans doute ce qui reste pratiquement de l'héritage de Gandhi, que renient aujourd'hui avec Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL mépris _les technocrates d'une· -Inde en mal d'industrialisation. On récusera ces exemples en les rapportant à. des contingences locales ; mais il se pourrait que la mise en valeur du « tiers monde », qui seule peut le sauver durablement de la misère et de la famine, suscite des réflexions semblablement orientées. On s'aperçoit que c'est doublement vanité de créer dans des pays arriérés une ou deux grandes usines qui n'utilisent qu'une main-d'œuvre peu nombreuse et ne disposent pas d'un marché national capable d'absorber leurs produits ; la solution est plutôt à chercher dans le sens d'une rénovation ou d'une création de l'artisanat, inséré dans l'économie villageoise et consacré par priori té aux biens de consommation courante. Si les nouveaux Etats prolétaires se libèrent d'ambitions ruineuses, s'ils savent mener de front une éducation civique liée en partie à la coutume et, d'autre part, la mise en place d'une économie coopérative et diversifiée au niveau de l'atelier local, qui sait si l'Orléanais de Péguy ne renaîtra pas au Sénégal ou à Madagascar? Concluons seulement que le socialisme secrété par la grande industrie et dont le destin se calque, qu'on le veuille ou non, sur celui de la technocratie, ne fera pas forcément disparaître l'humanisme socialiste conçu à la manière de Proudhon et de Péguy. Le second peut encore, dans une large mesure et en bien des régions, tempérer la loi de fer du premier, éviter que la prétendue libération communiste devienne partout tyrannie bureaucratique et mécanique. LÉONEMERY. ,

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