Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

LE MEURTRE DE NADIÈJDA ALLILOUIEVA 1 ES CRIMESDE STALINEdéfient toute tentative de compte rendu adéquat, tant par le nombre incalculable des victimes que par l'horreur des moyens employés pour contraindre les peuples de l'Union soviétique à se prosterner devant leur despote. Il peut donc paraître vain de s'arrêter à l'un des meurtres commis par Staline entre des millions d'autres, comme si l'ampleur de la statistique devait effacer le souvenir des cas particuliers. Pourtant on ne saurait s'empêcher d'accorder une attention spéciale à tel ou tel épisode propre à éclairer les esprits ou les consciences mieux que les données anonymes. Il faudra donc revenir sur certains assassinats perpétrés par Staline sur ses compagnons les plus proches, Kirov et Ordjonikidzé entre autres, et Abel Enoukidzé. Il faut s'efforcer dès maintenant d'exposer la tragédie au cours de laquelle Staline a sauvagement tué sa femme, Nadièjda Serguéievna Allilouieva, la mère de cette Svetlana qui a récemment « choisi la liberté » en fuyant son pays de cauchemar pour se réfugier d'abord en Inde, puis aux EtatsUnis d'Amérique. Cela date de 1932 et, depuis trente-cinq ans, des discussions oiseuses ont eu lieu par intermittences pour conclure soit au suicide, soit à l'assassinat de l'épouse de Staline, mère de deux enfants. Or dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un meurtre, car si Staline a acculé sa femme au suicide, c'est d'un meurtre qu'il s'agit, d'une forme aussi criminelle que n'importe quelle autre. Un suicide n'atténuerait en rien la culpabilité du meurtrier. Reste à savoir ce qui s'est passé au Kremlin dans la nuit du 8 novembre 1932 après un festin chez les Vorochilov, à l'occasion du quinzième anniversaire de la révolution bolchéviste. Biblioteca Gino Bianco Passant outre à toutes les « rumeurs » sans fondement, donc dénuées d'intérêt, sans indication de sources ou sans vraisemblance, que la presse de bas étage se complaît à enrichir de détails visiblement forgés de toutes pièces, on ne peut faire état que d'une seule version offrant des traits d'authenticité, permettant des recoupements convaincants, celle d'Elisabeth Lermolo dans son livre : Face of a Victim, publié chez Harper à New York en 19 55 et sur lequel une conspiration du silence a été savamment ourdie par les communistes et leurs innombrables complices déguisés en libéraux, pacifistes, progressistes, pseudo-humanitaires de toutes sortes. Ce livre se présente sous la caution morale d'Alexandra Tolstoï et avec la recommandation d'Eugène Lyons, l'un des plus qualifiés commentateurs des affaires soviétiques. A ce double titre, il mérite créance, mais de plus il· contient de telles précisions, fourmille de telles indications inédites correspondant bien à des matières connues ou vérifiables d'autre part, que l'on ne saurait récuser un témoignage aussi extraordinaire, à moins d'aligner des réfutations de fait vraiment probantes. Il y a mieux : l'auteur, femme d'un officier de l'ancienne armée russe, était absolument ignorante en politique quand, après l'assassinat de Kirov en 1934, elle fut happée par la monstrueuse machine à broyer des innocents que Staline avait mise en marche, puis jetée de prison en prison et d'un « isolateur » à l'autre pendant huit années interminables qui firent d'elle une rescapée exceptionnelle. Ce qu'elle a vu et entendu, les lieux qu'elle décrit, les noms qu'elle écrit, les confidences qu'elle rapporte, elle n'a pas pu les inventer, même si parfois sa mémoire défaille ou déforme un peu sur certains points des connaissances qui lui

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