Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

QUELQUES LIVRES ., La condition ouvrière GEORGESDouART : L'Usine et l'Homme.· Paris 1967, Plon édit., 296 pp. DANS CETOUVRAGdEédié à Jean Fourastié, l'auteur ouvrier électricien, expose qu,'après avoir b~urlingué à travers le monde, il revient à Nantes, sa ville natale, puis à Lyon et Paris « pour comprendre l'évolution de la vie ouvrière française des trente dernières années ». Employé soit comme ouvrier spécialisé (O.S.), soit comme professionnel dans un certain nombre d'entreprises, les unes petites, les autres grandes archaïques ou modernes, il s'abstient le plus 'souvent de formuler des jugements personnels (que l'on devine assez proches de ceux des dirigeants de la C.F.D.T.), pour donner la parole à ses interlocuteurs ouvriers. Cette méthode visant à l'objectivité permet de décrire, à travers çe qu'on peut considérer comme. une autobiographie, la société ouvrière ~e nos Jours dans sa complexité et ses contradiction et de la comparer à celle des années qui précédèrent la dernière guerre. Le père de Georges Douart, issu d'une famille d'ouvriers qualifiés, devient, après un apprentissage de forge~on, doc½er puis ajusteur · sa mère, bonne a tout faire, appartient à u~e famille de vignerons. Ainsi la souche paysanne est toute proche, comme c'est le cas, .semble-t-il, pour l'ensemble des masses laborieuses de Nantes et de Saint-Nazaire, dont le comportement tumultueux n'est pas sans rapport · avec celui des prolétaires russes ou ·espagnols du début du siècle : la misèr~ ~es ·paysans aux familles tr~p. nombreus~s limite les salaires ouvriers en depit des syndicats, aggrave le chômage, entretie~t un sous-p~olétariat ravagé par l'alcoolisme. Chez les militants, la tradition anarcho-syndicaliste est encore viSiblioteca Gino· Bianco. -~, vace, le recours à l'action · directe une vieille habitude. On se souvient des grèves de 1955, accompagnées d'émeutes, de saccages des locaux administratifs ou patronaux. Ces grèves se sont répétées à plusieurs reprises ces dernières années lors de licenciements dans les chantiers navals renouvelant, à un siècle de distance, les scènes de Germinal. Les violences de SaintNazaire et la jacquerie de Morlaix ont un fond commun : la dégradation économique en pays breton l'absence de nouvelles implantations industri;lles le désordre commercial, les pro- ' . messes jamais tenues d'un gouvernement mcapable d'aider une région qui demeure déshéritée dans l'essor général de la production. Nous revivons l'enfance de l'auteur dans une maison sans eau ni électricité 1 où éclatent des scènes de ménage dignes de L'Assommoir ; nous revivons aussi les grands espoirs de juin 1936 le romantisme révolutionnaire, la découverte' de la mer pour des gens qui n'étaient jamais sortis de Nantes. Dans de petites entreprises, on travaille parfois comme au siècle dernier : le professionnel y prend son temps ; auprès des O.S. et des manœuvres venant- de -la campagne, il jouit d'autorité. Ne représentet-il pas la continuité ouvrière et la tradition syndicale ? Mais vingt ans après les relations humaines se détériorent : la course à la productivité dans des usines au matériel vieilli ou inadapté se fait à coups de chronomètre; sans révolution technique, elle signifie des ca- ' dences plus rapides, une discipline plus stricte. « Le travail moderne est moins •pénible physiquement, mais il l'est plus nerveusement, d'une fatigue difficilement mesurable, qui s'installe, s'accumule et ne disparaît pas après deux bonnes nuits (p. 21 ). » Soit fatigu~, soit indüfé- "' 1. Aujourd'hui encore, 40 % des logements nantais n'ont pas l'eau courante. ,, ,,

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