Le Contrat Social - anno XI - n. 3 - mag.-giu. 1967

B. SCHWARZ nie (..._)en 1948 » 20 • En 1.955, Chostakovitch publia deux grandes compositions, le Concerto pour violon et le cycle de chants Poésie folklorique juive, qu'il avait gardées dans ses tiroirs depuis 1948. Mais il fallut attendre le xxe Congrès du Parti, en 1956, pour que la vie culturelle soviétique soit officiellement libérée du « culte de la personnalité ». Mise sur la voie par le xxe Congrès, l'Union des compositeurs convoqua une réunion nationale, le deuxième Congrès pansoviétique des compositeurs, qui se tint à Moscou du 28 mars au 3 avril 1957, soit neuf ans après le premier congrès, de sinistre mémoire. Khrennikov, réélu premier secrétaire, parla avec plus de modération que par le passé. Plus important encore fut un grand discours prononcé par Dimitri Chépilov, nouveau ministre des Affaires étrangères (en remplacement de Molotov) et ex-rédacteur en chef de la Pravda. Quoique ferme sur l'idéologie, Chépilov faisait des allusions à la souplesse des conceptions de Lénine en matière artistique et laissait présager une amélioration des rapports entre le Parti et l'intelligentsia musicale 21 • Le présage devint réalité : le Parti fit un geste de conciliation, ce dont il n'est guère prodigue d'ordinaire. Le 28 mai 1958, le Comité central admettait des « erreurs flagrantes » dans le fameux décret de 1948 et publiait une résolution « Sur le redressement des erreurs dans le jugement porté sur les opéras La Grande Amitié, Bogdan Khmelnitski et Tous d'un même cœur » (respectivement de V. Mouradéli, Constantin Dankévitch et Herman Joukovski). La résolution déclarait que les critiques formulées à l'encontre de ces opéras, en 1948 et 1951, sous prétexte de défauts dans la musique et le livret, avaient été · « incorrectes et unilatérales ». D'autres injustices étaient dénoncées : Des compositeurs doués, les camarades Chostakovitch, Prokofiev, Khatchatourian, Chébaline, G. Popov, Miaskovski et autres, dont les œuvres ont parfois laissé paraître des tendances erronées, ont été dénoncés à tort et à travers comme les représentants d'une tendance formaliste, antipopulaire ... Venait ensuite une explication pour le . . moins curieuse : 20. New York Times, 17 déc. 1953 (cf. également 20 déc.). L'article de Khatchatourian a été publié dans la Musique soviétique, 1953, n° 11; pour sa réponse à des critiques étrangers (en particulier M. Taubman), cf. ibid., 1954, n° 4. 21. Pravda, 4 avril 1957. Traduction anglaise ln Current Dlgut of the Soviet Pre111 (New York), 8 mal 1957, p. 15. Biblioteca Gino Bianco 179 Quelques évaluations incorrectes dans l'arrêté reflétaient l'attitude subjective de J. V. Staline envers certaines œuvres d'art (...). Comme nous le savons, une influence néfaste était exercée sur Staline en ces matières par Molotov, Malenkov et Béria... Le fait que le nom de Jdanov ait été omis de cette liste de boucs émissaires est inexplicable, car c'était lui le véritable responsable de la « purge » de 1948. Tout en reconnaissant les excès commis dans le passé, la résolution de 1958 se gardait bien d'annuler le décret de 1948. Au contraire, elle tenait à souligner que ces décisions « avaient joué, dans l'ensemble, un rôle positif dans l'évolution ultérieure de la musique soviétique ». Une fois de plus était affirmée avec force « l'inviolabilité des principes fondamentaux exprimés dans les décrets du Parti sur les questions idéologiques ». Malgré ces réserves, le texte de 1958 fut accueilli avec une immense satisfaction. Il mettait un point final au « jdanovisme » et au « culte de la personnalité » ; il réhabilitait les grands compositeurs (deux d'entre eux, Prokofiev et Miaskovski, morts entre-temps) ; il rehaussait le prestige international de la musique soviétique, compromis en 1948 ; enfin il ouvrait une ère de cordialité entre fonctionnaires du Parti et compositeurs. Le rapprochement s'était déjà fait sentir à l'occasion d'une réception « en l'honneur de l'intelligentsia » donnée au Kremlin le 8 février 1958. Au cours de cette soirée, Khrouchtchev avait incité le5. artistes créateurs dans tous les domaines à faire preuve d'une « plus grande audace dans leurs recherches, d'une plus grande attention envers la vie et le peuple »... En réponse, Chostakovitch avait loué « la sollicitude matérielle témoignée par le Parti et le gouvernement au compositeur soviétique », ainsi que « l'orientation constante, paternelle, attentive et prudente de notre musique » 22 • Tout le monde paraissait si aimable, si raisonnable, que l'année 1958 semblait alors aux artistes l'aube d'un nouveau millénaire. La réaction : pianissimo IL APPARUT bientôt que la « plus grande audace » conseillée par Khrouchtchev ne s'accordait pas forcément avec l'idée que s'en faisaient les artistes - ces derniers eux-mêmes 22. Pravda, 9 fév. 1958. Traduit ln Current Digtit, 19 mars 1958. Une réunion similaire eut lieu en 1957 : cf. Current Digeat, 9 oct. 1957, pp. 3-10.

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