Le Contrat Social - anno XI - n. 2 - mar.-apr. 1967

130 servi la <;iestapo, il n'a pas éprouvé le besoin d'aller se faire blanchir aux Lettres françaises ( libre service). Il demeure que si ce petit livre est très amusant, percutant et certainement sincère, il ne répond pas tout à fait à son titre. D'autre part, l'expérience politique de l'auteur, qui paraît s'être borné à la fréquentation de Marc Sangnier et d'Emmanuel Mounier ·entre les deux guerres, paraît assez limitée. Enfin, selon nous, il a eu tort, surtout à cette époque intermédiaire, de se tenir à l'écart des syndicats. C'est pourquoi nous l'aimons mieux lorsqu'il se peint lui-même et tel qu'on le juge, que lorsqu'il nous entretient du monde extérieur. A.T. La « gauche » phénomène historique DAVIDCAUTE: La Gauche en Europe depuis 1789. Texte français de Nina Nidermiller. Paris 1966, Hachette (coll. « l'Univers des connaissances »), 256 pp. L'ÉDITION à son tour entre dans la voie du Marché commun : la collection dont fait partie l'ouvrage de M. Caute est, en effet, publiée simultanément dans huit pays et en sept langues. Une bonne partie des sujets annoncés relève de nos préoccupations d'histoire sociale. La synthèse tentée par M. Caute - un Oxfordien de trente ans - est un tour de force et, dans l'ensemble, un tour de force réussi. Il a effectivement fait tenir en 256 pages à la fois la discussion théorique que suppose une définition de la « gauche », et un double résumé historique - histoire des idées, histoire .des actions - portant sur deux siècles et une · dizaine de pays .d'Europe, y compris, bien entendu, la Russie. M. Caute définit la gauche par l'aspiration à la souveraineté du peuple, et s'emploie ensuite à réintégrer dans cette définition les trait~ . qu'elle ne contient pas (rationalisme, optimisme, égalitarisme) ou que la gauche ne présente que de façon intermittente (libéralisme, pacifisme). Malgré le brio de l'auteur, il reste permis de penser qu'aucune ·définition théorique n'épuise les notions de « gauche » et d·e Bibltoteca Gino Bianco -·, LE CONTRAT SOCIAL « droite » et qu'il n'en existe que des défuutions historiques, diachroniques·. Les résumés historiques qui occupent le reste du livre sont généralement excellents. Ils ont le mérite d'être objectifs, non seulement dans les faits, ce qui est élémentaire, mais dans la place accordée à chacun, chose particulièrement méritoire dans un compendium. Non seulement la biographie, mais, ce qui est beaucoup plus rare, les idées de Blanqui (p. 75), Babeuf, Bakounine ou Kropotkine (pp. 132-33) _sont sérieusement exposées. Parlant de Lénine, M. Caute n'a garde d'omettre l'influence de Tchernychevski. De même, l'anarchisme espagnol et italien, le syndicalisme révolutionnaire de la vieille C.G.T., sont honnêtement traités: On pourrait chicaner M. Caute sur des dé- , tails. Mais à regarder les choses de plus haut, la conception même du livre conduit à poser deux questions. En premier lieu, c'est un livre d'historien politique plus que d'historien social et économique : du très bon travail de Sciences Po. Or, on peut se demander si l'histoire de la gauche peut être écrite sans relation avec l'histoire économique des pays où elle se dé- ' roule, et si elle ne pourrait être davantage éclairée par l'appel à la sociologie. En second lieu, est-il vraiment possible, si l'on pousse l'histoire de la gauche jusqu'à nos jours, de la limiter à l'Europe? L'opposition .entre nations pourvues et nations prolétaires, chère à Mussolini, déborde maintenant le vieux _continent ; avec le schisme chinois, elle s'est même introduite à l'intérieur du monde communiste. Pour définir ce qu'est aujourd'hui la gauche dans les vieilles nations d'Europe il faut au moins, pensons-nous, la comparer a~ec les mouvements et régimes révolutionnaires d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie. . Cela dit, on n'hésitera pas à recommander chaudement le livre de M. Caute, en songeant particulièrement à l'enseignement dans les classes terminales des lycées (où, faute de matériel pédagogique approprié, l'histoire sociale et économique ne tient pas encore toute la place qui lui revient) et les propédeutiques. Ajoutons que l'ouvrage est rendu particulièrement séduisant par ,une illustration abondante, appropriée 1 et parfois savoureuse. La traduction serait parfaite si elle n'appelait systématiquement « dilemmes » les alternatives et si l'on ne lisait pas « ils acquérirent » p. 159. ]EAN-PAULDELBÈGUE. /

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