QUELQUES LIVRES . sence simultanée des uns et des autres. L'évolution dépend largement de la politique menée par l'Etat sous la pression de forces sociales plus ou moins antagoniques. M. C. Confession d'un apprenti JACQUES-ARNAUPEDNENT: Les Temps morts, roman. Paris 1965, Grasset édit., 260 pp. CE PETIT RÉCIT autobiographique, à peine romancé, mérite un compte rendu ici à titre de document psycho-social concernant le récent passé politique. Tandis que la guerre d'Algérie bat son plein, un adolescent de bonne famille est en proie à des rêveries sado-masochistes où le phantasme du parachutiste joue un rôle important. L'aventure proprement politique commence dans la cour d'un lycée parisien avec une distribution de tracts contre la guerre, entraînant une bagarre avec le camp adverse, le tout au plus grand émoi du censeur. Elle se poursuit dans une salle de patronage obligeamment prêtée par un curé « de gauche -», dans des cafés, voire des salons où l'on fait la rencontre de divers guides révolutionnaires - ou plus exactement « révolutionnaristes » - appartenant à des milieux marginaux par rapport au ,parti com1nw1isteofficiel (trotskistes, etc.). En .effet, les professeurs bien pensants de la cellule communiste du lycée ont repoussé, presque à l'égal du censeur, l'initiative de ces jeunes « gauchistes » catholiques ou libres penseurs considérés a priori comme des « provocateurs trotskistes », ce qui explique le recours à d'autres conseilleurs. Après un court séjour en prison, l'adolescent fugueur et mythomane se retrouve sur un lit d'hôpital psychiatrique. Il n'est pas martyr de « la cause » puisque ce sont de menus faits de grivèlerie et une usurpation d'état civil qui l'ont mené là... Que s'estil passé dans l'intervalle ? La fin de la guerre d'Algérie et l'écroulement consécutif d'un rêve de subversion totale coïncidant avec une crise d'originalité juvénile : « On s'était habitué à la guerre. On vivait pour elle. C'était notre guerre. Elle disparue, nous allons mourir ou tenter de survivre » (p. 183). Après cela, il ne reste plus à l'apprenti révolutionnaire déçu Ru'à s'orienter vers la littérature, en composant ses Mémoires, ce que l'on fait maintenant ~ vingt ans. Biblioteca Gino· Bianco SS ] .-A. Penent a de la verve satirique et même de la plume. La peinture des milieux « révolutionnaristes » qu'il a brièvement fréqu'entés est hilarante, mais il ne « s'autocritique » pas moins qu'il ne critique ses pseudo-guides, sans manifester d'ailleurs un lâche repentir ou virer de bord, car sa précoce carrière politique est bien finie (il a pourtant, à défaut de diplôme, des titres : à dix-huit ans, secrétaire du Front lycéen antifasciste, membre du bureau du Front d'action des intellectuels antifascistes ; à vingt ans, secrétaire général de l'organisation des étudiants du P.S.U., etc.). Ce petit roman est à clefs, et pour quiconque est un peu initié, les personnages sont facilement identifiables : voici Verdet, la « belle âme » de gauche, grand bourgeois salonnard qui signe tous les manifestes et se produit sur toutes les tribunes, Branque, le grisâtre, « chef » trotskiste qui est si clandestin qu'on en vient à se demander s'il existe vraiment; MarquezDiaz, le Sud-Américain « père de la scission » qui a milité .chez une comtesse et dans un asile _d'aliénés, etc. Quant à l'idéologie, elle évoque la chanson Six cents millions de Chinois... et moi, et 1noi, et moi, qui est d'ailleurs posté- .rieure. Une note émue : l'enterrement de Nathalie Sedova, la veuve de Trotski, avec le défilé des « trotskistes prolétaires », des vieillards hallucinés et touchants qui, pour un moment, ont fait trêve à leurs querelles sectusculaires. On a le sentiment cependant qu'il manque quelque chose : l'auteur est trop resté dans les « hautes sphères » présumées dirigea~tes, ou bien il n'a pas tout dit. On ne voit guère les Algériens eux-mêmes, sinon par l'évocation de la manifestation messaliste où plusieurs participants furent précipités dans la Seine. On ne voit pas non plus en action les jeunes gens des réseaux d'aide au F.L.N. qui transportaient des valises bourrées de tracts ou d'explosifs avant d'aller moisir - au titre de la « coopération » - dans les geôles de Ben Bella pour kabylisme (ou de Boumediene, pour ben-bellisme). On ne voit pas non plus les adversaires métropolitains (O.A.S. ou pré-O.A.S.) avec lesquels tantôt discutaient les jeunes activistes de gauche, contre lesquels tantôt ils faisaient le coup de poing. Le bilan politique et moral est évidemment, comme le souligne l'auteur, et malgré le succès apparent, celui d'une faillite. Il ne s'agissait pas de lutter pour la paix en Algérie, mais de participer à l'effort de guerre d'un des belligérants, que l'on croyait porteur d'une espé-
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