Le Contrat Social - anno XI - n. 1 - gen.-feb. 1967

54 nements historiques pour qu'on en prenne acte · avec prudence. Dans les petites et -moyennes exploitations, ils sont ici une réalité qui domine toute autre forme de conflits sociaux. Ces exploitations appartiennent en droit aux générations vieilles, inadaptées aux transformations techniques, reflets vivants du retard de l'agriculture française par rapport aux autres branches économiques. Comme ces exploitations sont de type familial, elles tendent à y intégrer la jeune génération, non payée ou mal payée, créant une espèce particulière de prolétariat exploité par ses parents et qui, jusqu'à ces dernières années, ne bénéficiait d'aucune protection sociale. Les vieilles générations sont les piliers de l'agriculture- traditionnelle, le frein aux efforts de modernisation prônés par les jeunes, le plus souvent dans l'incapacité de réaliser leurs projets. L'exode rural de ces jeunes en est la conséquence, mais loin de résoudre favorablement les relations entre générations, il les aggrave en provoquant un vieillissement continu de la population active. De là les revendications du C.N.J.A. en faveur d'une retraite décente des vieux agriculteurs. En 1962, cet organisme a obtenu une décision de principe par la création du F .A.S.A.S.A. (Fonds d'action sociale pour l'amélioration des structures agricoles) qui subventionne la retraite des vieux cultivateurs et la formation professionnelle des migrants quittant l' agriculture. Aujourd'hui, de multiples organismes semi-publics tentent d'organiser une meilleure répartition des terres (S.A.F.E.R.), la régulation du marché agricole (F.O.R.M.A.), les transferts géographiques (A.N.M.E.R.), l'achat du foncier (S.A.I.F.), l'éducation professionnelle (F.N.V.P.A.), la formation des cadres syndicaux (I.F.O.C.A.P.), l'assurance-maladie des exploitants (A.M.E.X.A.), etc. Ces créations témoignent des efforts du gouvernement qui, avec plus ou moins d'efficacité, tente de stabiliser la profession agricole et d'en améliorer le rendement et le revenu. L'étude de M. Yves Tavernier montre clairement la répartition des tendances réformatrices dans le monde paysan et leur relation avec les générations. La jeune génération représente l'élément dynamique de l'agriculture. Elle cherche une voie entre, d'une part, l'ancienne agricultur_e artisanale, personnelle et familiale, dont la rentabilité et la prospérité vantées par les politiciens conservateurs sont devenues des mythes, et, d'autre part, la grande agriculture de type capitaliste impliquant des emplois salariés. Cette voie serait l'agriculture coopérative de type israélien, opérant sur· des surBibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL - faces de moyenne importance (150 à 200 ha), appelée « agriculture de groupe ». Dans ce sens, ·les jeunes agriculteurs appuient le~ tenta- _tives légales de 1960 et 1962 {loi Pisani) qui ont prévu la personnalité juridique , des ·G.A.E.C. (groupements agricoles d'exploitation en commun). Jusqu'à présent, aucune application de cette loi n'a encore été faite et les G .A.E.C. attendent encore leur statut. En outre, ils soutiennent toute initiative tendant à- définir une « propriété d'exploitation », concept différent de la classique propriété foncière. Son principe, discuté au congrès C.N.J.A. en 1964, combinerait celui des sociétés anonymes purement capitalistes et celui des coopératives de travailleurs. Selon M. Tavernier,· ce principe serait propagé par les deux partis socialistes et le M.R.P. · Contre cela, les forces traditionnelles, groupées dans les chambres d'agriculture et une· partie importante de la F.N.S.E.A. (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles)> défendent le caractère immuable de la propriété foncière individuelle et la nécessité de hausser les prix agricoles pour lui assurer une « saine rémunération » et rétablir la puissance économique de l'agriculture. Influentes sur le groupe U.N.R. et celui des indépendants paysans, ces forces conservatrices ont contribué à vider les lois de 1960 et 1962 de leurs aspects réformateurs et à retarder leur application. Leurs bases sociales se trouvent à la fois chez les grands entrepreneurs capitalistes, lesquels n'ont pas à' rechercher de modifications de structures, et chez les tout petits exploitants, menacés par l'évolution générale, activement soutenus par le parti communiste et son satellite le M.O.D.E.F. (!vlouvement de défense des exploitations familiales). Contre les recherches et aspirations réformatrices du C.N.J.A., ·1eparti ,communiste a pris la succession du poujadisme 1 d'il y a quinze ans, et, comme .celui-ci, combat pour fixer la population à la terre grâce à des subventions gouvernementales. . Mais quelle que soit l'influence de ces éléments conservateurs, il est clair qu'ils mènent une lutte d'arrière-garde. La disparition des minifundia est une nécessité historique, et l'ouverture des frontières aux produits de la terre, exigeant des prix compétitifs, ·ne peut qu'accentuer ce que les impératifs technique& imposent déjà aux conditions d'exploitation: L'avenir n'est pas tracé d'avance : il peut aboutir soit à de grandes fermes càpitalistes, soit à , des groupements coopératifs d'exploitations moyennes, plus vraisemblablement à la pré-

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