Débats et recherches CHARISME ET CHAOS par Yves Lévy I L Y A plus de huit ans qu'est en vigueur la Constitution de la ve République, et pourtant tout, nous dit-on, est remis en question. Le chef et tous sr0 fidèles le répètent : les -élections législatives seront décisives. Si les Français ne donnent pas la majorité à la faction de l'Elysée, le nouveau régime s'effondre, nous retournons à la IVe. Quand il ne manquerait qu'un élu : c'est-à-dire qu'à la limite, un déséquilibré non identifié pour tel, dans quelque canton éloigné, peut faire pencher la balance. En vérité, la IIP et la IVe n'étaient point d'une constitution si fragile. Seuls ont eu raison d'elles de grands événements historiques. Sur elles, un déséquilibré était sans pouvoir, soit qu'il allât voter, soit qu'il assassinât le chef de l'Etat. Tandis qu'aujourd'hui. .. La conclusion est assez claire : notre régime, de son propre aveu, est l'un des plus faibles que la France ait connus. Aussi faible que le premier Empire, dont la conspiration du général Mallet révéla la stupéfiante inconsistance. La mort du chef de l'Etat annoncée, tout se désagrégeait, et personne ne pensait plus à la dynastie. . Notre général, lui, n'a même pas fondé de dynastie ni ne s'est résolu à mettre en selle l'héritie; de la branche cadette. (Il est à cet égard comme Franco : s'il redonnait vie à une légitimité - ou quasi-légitim~té -, tradi!ionnelle son autorité ne durerait guere.) D1sparaiss~nt aujourd'hui, que léguerait donc à son successeur notre président ? A peu près rien, sinon la quasi-certitude de n'être pas élu au premier tour. C'est d'ailleurs là le point capital. Biblioteca Gino Bianco L'ascension ÜN A DÉJA, ici, proposé une façon d'interpréter l'œuvre constitutionnelle du chef de l'Etat. Dans un premier temps il s'installe au pouvoir en donnant des espérances à tout le monde. Il fait préparer une Constitution où -la fonction présidentielle et la fonction gouvernementale sont bien conçues, mais où la .fonction parlementaire est négligée. Il apparaît qu'on a moins songé à créer un~ harmonie entre les trois fonctions qu'à avantager les deux premières aux dépens de la dernière. Le régime nouveau est cepend_ant parlementaire : si l'action du gouvernement est moins étroitement qu'auparavant déterminée par les assemblées, son existence continue à dépendre d'un vote de l'Assemblée nationale. La Constitution votée, le président sembla moins soucieux de l'appliquer que de la tourner et de la réformer. Usurpant les fonctions gouvernementales, il continua, comme chef de l'Etat, d'exercer les pouvoirs qui avaient été les siens lorsqu'il était président du Conseil, et il usa du référendum comme d'un moyen pour faire approuver sa politique sans s'adresser au Parlement. Les circonstances, alors, semblaient justifier assez les entorses données à la Constitution par celui-là même qui se faisait gloire de l'avoir donnée au pays. Les cilconstances ne le justifiaient plus lorsque, congédiant le premier ministre issu du Parlement et lui substituant un pur exécutant, il s'empara définitivement de la fonction gouvernementale. Ensuite, quand l'occasion lui parut favorable, il fit voter la réforme constitutionnelle qui devait, dans sa pensée, donner une base légale au nouveau système, et par là lui permettre de régner sans partage et sans
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==