Le Contrat Social - anno X - n. 6 - nov.-dic. 1966

QUELQUES LIVRES régime soviétique, Karl Kautsky nous écrivit, dans une lettre datée du 10 octobre 1932, en envisageant l'éventualité d'une désétatisation partielle comme conséquence de c~t effondrement : « Il devra alors s'avérer dans quelle mesure les entreprises des municipalités, des coopératives et de l'Etat, libérées de la contrainte toute-puissante de la bureaucratie étatique, seront capables de se gérer au moins aussi profitablement que les entreprises privées. Le capitalisme ne pourra s'implanter que là où les entreprises socialistes seront défaillantes, où les entreprises privées travailleront mieux, produiront à meilleur compte, paieront des salaires plus élevés et traiteront les ouvriers mieux que ne le feront les entreprises socialistes. » Pour Kautsky - comme d'ailleurs pour tous les marxistes· - socialisme était synonyme de mieux-être. Pour Préobrajenski, au contraire, les travailleurs devaient s'infliger des privations pour avoir le plaisir de vivre dans un régime.« socialiste » d'accumulation primitive et de planification bureaucratique. . ** * L'appendice de l'ouvrage (100 pages sur 400) comprend les réponses de Préobrajenski à ses contradicteurs, notamment à Boukharine et A. Thalheimer. Ces réponses ne comportent rien d'essentiellement nouveau. La controverse avec Boukharine permet cependant de se rendre compte que chacun des deux protagonistes a tort et raison à la fois. Boukharine a raison en s'élevant contre ce qu'il appellera plus tard l' « exploitation militaire-féodale » des paysans. Mais il voit à tort la situation sous un jour beaucoup plus optimiste que Préobrajenski en prêtant au secteur collectif des vertus concurrentielles qu'il n'a pas. Ce n'est que quelques années plus tard, dans ses Remarques d'un économiste (1928), qu'il se rendra compte de toute la gravité de la situation, que Préobrajenski avait diagnostiquée avant lui, et qu'il semblera pencher (certains passages le laissent deviner, mais sa liberté d'expression n'est plus entière) vers l'élargissement de la nep. Dans l'ensemble, La Nouvelle Economique reste un document historique et théorique de premier ordre et qui permet de mieux comprendre sous tous ses aspects essentiels la situation dramatique créée par le coup d'Etat d'Octobre. Il faut se•féliciter de sa publication en langue française. Biblioteca Gino Bianco 357 Reste-t-il encore d'actualité ? On est obligé de répondre par un non catégorique puisqu'il y a fort peu de chances que le communisme conquière le pouvoir dans les pays évolués d'Occident et qu'il y instaure un système comparable à celui que Préobrajenski analyse. Certains, cependant, le trouvent « d'une actualité brûlante pour tous les pays ayant rompu avec l'impérialisme et le capitalisme, mais dont l'économie continue à renfermer deux secteurs, un secteur public et un secteur privé ». Tel est l'avis de l'auteur de l'introduction, M. Ernest Mandel, qui recommande l'accumulation primitive de Préobrajenski à tous les pays sous-développés dressés contre le capitalisme et aspirant à réaliser ce « socialisme » de sous-consommation, d'oppression et de misère qui hante les esprits débiles· auxquels un demi-siècle d'expérience soviétique n'a . . rien appris. LUCIENLAURAT. Les règles du jeu W. ARTHURLEWIS : La Chose publique en Afrique occidentale. Traduit de l'anglais par Paul Peyrelevade. Paris 1966, Editions S.É.D.É.I.S. (coll. « Futuribles » ), 109 pp. « LA RAISONne peut pas à elle seule créer la démocratie, mais puisque ce sont les démocrates qui font la démocratie, la raison et la foi sont indispensables. La première condition de la démocratie en Afrique occidentale est que les jeunes gens qui sortent aujourd'hui des écoles comprennent la vraie nature de leurs problèmes et ne se laissent pas prendre à de fausses explications. Cet essai a été écrit pour servir de contribution à cette cause. » Telles sont les dernières lignes de ce petit livre dense, brûlant d'intelligence et de conviction, et si fermement pensé qu'on est enclin à imaginer que le style de l'auteur a facilité la tâche du traducteur. Quoi qu'il en soit, la traduction est fort bonne. Né à Sainte-Lucie (Antilles anglaises) dans une famille dont les ancêtres étaient africains, W. Arthur Lewis enseigne l'économie politique à Princeton après l'avoir longtemps professée à Manchester. Il connaît bien les Etats anglophones et francophones de l'Afrique occidentale - ces Etats qui n'ont encore que quelques années d'existence et dont la vi~ politique a déjà été si troublée - et souhaite

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