Le Contrat Social - anno X - n. 5 - set.-ott. 1966

286 cratiques et de l'indépendance nationale. Le fait est qu'en cet après-midi du 25 octobre 1956, Maleter se sentit irrésistiblement poussé à embrasser la cause des travailleurs et des étudiants insurgés. SUIVIRENTdes journées d'activité fébrile. Tandis que ·la radio gouvernementale ne ces- ·sait de sommer les insurgés de déposer les armes en leur promettant l'amnistie, les chars soviétiques continuaient de pilonner les avenues principales et les quartiers ouvriers tenus par les rebelles. Ceux-ci opposaient une résistance acharnée, utilisant des « cocktails Molotov » et toutes les armes qu'ils pouvaient se procurer. Pris de panique, les Russes se mirent à tirer sans discernement sur les maisons d'habitation, les hôpitaux et les bâtiments histo- . r1ques. Témoin de ces destructions injustifiables, le colonel Maleter en appela par téléphone au ministère de la Défense et jusqu'au commandement militaire soviétique. On lui promit de faire cesser le tir, mais quelques heures plus tard d'autres tanks Staline et T-34 furent jetés dans la bataille. Maleter se trouvait alors à l'infirmerie de la caserne où l'un de ses soldats blessés lui fit cette remarque amère : « Vous voyez, camarade colonel, comment les Soviétiques tiennent leur parole ! » Sans répondre, Maleter se dirigea en toute hâte vers l'aile de la caserne faisant face au boulevard Ferenc et, le visage sombre, observa l'avance des tanks soviétiques. Il retourna à pas rapides à l'infirmerie et téléphona au mi- ' nistère de la Défense, demandant à parler au ministre lui-même. Ayant obtenu la communication, il pria celui-ci d'intervenir personnellement auprès des autorités militaires soviétiques afin qu'elles ordonnent que les tanks se retirent de la capitale. Ceux qui se trouvaient auprès de Maleter purent entendre la réponse du ministre : « Je regrette, camarade colonel, mais il m'est malheureusement impossible d'exercer une influence quelconqué sur les opérations soviétiques. » Les traits de Maleter se durcirent. D'une voix mesurée et en .faisant peser chaque syllabe, il déclara : « En ce cas, je dois vous informer que j'ouvrirai le feu sur le premier tank · soviétique qui s'approchera de la caserne Kilian ! >> Les dés étaient jetés. Maleter ordonna à ses hommes de confectionner des « cocktails Molotov », envoya des patrouilles pour rassemBiblioteca Gino Bianco ... ' LE CONTRAT SOCIAL hier des armes et mit la caserne en état de défen~e. Il établit ·également le contact avec , Gergely ·Pongracz, lequel commandait les insurgés du passage Corvin, et organisa une collaboration méthodique pour maintenir l'ordre et organiser la défense contre les attaques soviétiques. A ce moment critique - le 27 octobre -, la constitution d'un nouveau gouvernement ayant Imre Nagy à sa tête et comprenant plusieurs ministres non communistes engendra l'espoir d'un apaisement rapide. Le gouvernement fit savoir le 28 octobre qu'il approuvait plusieurs des revendications essentielles des insurgés : abolition de l'A.V.H., démocratisation de la vie politique, ouverture de négociations afin de réajuster les relations. soviéto-hongroises sur un pied d'égalité et d'indépendance. Il proclamait le cessez-le-feu immédiat et général et annonçait que les Soviétiques avaient consenti à retirer leurs forces de Budapest. L'insurrection, qui avait débuté le 23 octobre, semblait au seuil de la victoire. La tournure prise par les événements devait avoir des conséquences d'une grande portée pour le colonel Maleter. Dans la soirée du 30 octobre, un message personnel transmis par Radio-Kossuth ordonnait à Maleter de prendre contact avec Zoltan Vas, alors commissaire au ravitaillement pour Budapest, et qui était probablement le seul homme de l'entourage d'Imre Nagy à connaître personnellement Maleter. Ayant réussi à . toucher Vas p_ar téléphone, .Maleter fut informé qu'une voiture serait en- .voyée à la caserne Kilian pour le prendre et l'imener au Parlement. Là, Vas et Maleter, qui s'éta~ent rencontrés pour la première fois _en1944, alors que çe dernier était prisonnier en Union soviétique, se saluèrent en vieux amis. Vas présenta Maleter à Nagy, lequel lui déclara qu'on avait besoin de ses services pour organiser une force temporaire de sécurité incorporant d,es troupes de l'armée, de la police et _desformations d'insurgés. Maleter se mit avec _'empressement à la disposition du gouvernement. Le lendemain - 31 octobre, - les repré~ sentants du « comité révolutionnaire des insurgés en armes » se réunirent avec ceux du gou- · vernement, de l'armée et de la police à la caserne Kilian. La conférence dura trois heures et une résolution annonça la création d'une Garde nationale chargée de maintenir l'ordre durant. l'évacuation de Budapest par les troupes sovié- 1 _tiques.La Garde serait maintenue en existence jusqu'au retrait complet des troupes soviétiques de la Hongrie.. - ..

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