218 terme et, par conséquent, sur l'accroissement du niveau de vie qui doit en découler 6 • Quoi qu'il en soit, le red,;essement de l'agriculture est lié à un certain nombre de conditions qui ne sont pas encore réalisées et sur lesquelles les dirigeants soviétiques demeurent extrêmement ré~ervés. La première de ces conditions est une réforme substantielle, et non pas un simple relèvement, des prix agricoles, lesquels, jusqu'ici, ne reflètent pas l'ensemble des coûts de production. Ils n'incorporent pas la rente foncière, l'intérêt du capital, et ils calculent les coûts de maind'-œuvre comme une valeur résiduelle. Dans les kolkhozes, le salaire est un dividende, un solde ; par conséquent, il est fonction des prix au lieu d'être un élément du prix de revient. Les prix agricoles exercent, en outre, un rôle fiscal pour éponger la rente différentielle. Pour qu'ils puissent être utilisés comme unités de compte dans l'élaboration de décisions rationnelles, il faut donc qu'ils reflètent l'ensemble des coûts et qu'ils redeviennent « neutres » en cessant d'exercer 1,Jne fonction fiscale. Seulement alors on pourra déterminer la spécialisation de la production agricole par région et sortir du régime actuel de polyculture. Ainsi, on retrouve au niveau de l'agriculture la même nécessité que dans le reste de l'économie : un système de prix rationnels. Une deuxième condition essentielle est de modifier les relations organisationnelles entre l'agriculture, l'industrie alimentaire et le commerce. On ne peut plus considérer l'agriculture, l'industrie et le commerce comme des secteurs séparés ; la tendance de l'économie moderne est d'intégrer les grands secteurs de la production à tous les stades jusqu'au consommateur, le commerce et l'industrie alimentaires jouant un rôle directeur. Cela suppose que l'Union soviétique fasse en premier. lieu un grand effort dans le domaine de l'équipement rural; le problème des commanications est essentiel; comment peut-on penser spécialiser des régions entières lorsque la plupart des campagnes sont coupées des villes pendant plusieurs mois de l'année ? Il faudrait aussi consentir des investissements importants, en marge de l'agriculture, dans le domaine des silos, des frigorifiques, des transports rapides et, en général, dans l'appareil de 6. Toutefois, les nouveaux objectifs assignés à la collecte des céréales prévoient 55 millions de tonnes de livraisons annuelles d'ici 1970, alors que IP-plan à long terme exigeait 90 miUions de tonnes pour 1970. De même, la coJlecte de lalt et de viande est diminuée - ce qui peut laisser supposer un abandon indirect des objectifs du plan à long terme. Biblioteca Gino Bianco -•, L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE la commercialisation. Autrement dit, le problème agricole n'est pas seulement une question de production, mais aussi de niveau d'équipement et de commercialisation. Un troisième point essentiel serait que l'Etat révise ses conceptions concernant les paysans. En fait, le paysap a été tenu dans une condition inférieure pendant plusieurs décennies : c'est le parent pauvre qui fait honte et dont on se méfie. Le leitmotiv de toute la littérature ruraliste post-stalinienne traduit une revendication générale des paysans, et particulièrement des cadres agricoles, contre cette attitude de défiance des autorités. Tant que le paysan n'est pas un citoyen à part entière, tant que son niveau de vie et ses responsabilités sont très en dessous de· 1a moyenne dont bénéficient les gens des villes, il sera difficile · de vaincre la passivité, l'indiffét;ence des kolkhoziens ; les machines les plus belles risquent de rouiller, faute d'un entretien suffisant. En U.R.S.S., le vrai problème agricole n'est pas d'ordre technique ; il réside dans la mentalité du paysan qui continue, comme par le passé, à faire une distinction fondamentale entre « ce qui est à lui » et « ce qui ne l'est pas ». En résumé, il ne semble pas que les progrès de l'agriculture soviétique puissent être très rapides, parce que, au départ, il y a un problème de mentalité paysanne. Le système des kolkhozes a cristallisé une mentalité traditionnelle en provoquant l'exode des meilleurs éléments ; on a négligé de créer de véritables élites rurales ; le divorce entre cette mentalité paysanne traditionnelle et les exigences d'une agriculture moderne ne pourra être vaincu rapidement. En outre, dans les conditions qui sont celles de la Russie, il est difficile d'envisager des solutions · générales : les particularités régionales sont très · grandes et doivent être reconnues, voire , encouragees. Nous pensons qu'il ne saurait y avoir de réforme de. · l'agriculture indépendamment d'une réforme générale du modèle de l' économie soviétique, ce qui implique une refonte complète du système des prix, une réforme des relations entre l'agriculture et l'industrie .. Bref, le, problème de l'agriculture doit être repensé dans une perspective où l'opposition agriculture-industrie - systématisée par le stalinisme - devrait sinon disparaître complètement, du moins s'atténuer. A ce jour, peu de pays ont réussi cette ·mutation. BASILE KERBLAY.
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