Le Contrat Social - anno X - n. 2 - mar.-apr. 1966

B. SOUVARINE une guerre avec les pays atlantiques, comme. la suite des événements le démontre, on ne voit pas en quoi le communisme « a bien changé » si les successeurs n'y inclinent pas davantage. Sur ce plan, la différenciation s'avère inexistante. Si l'on se réfère à la menace implicite que constituent les forces mobilisées en permanence par l'Union soviétique, « la situation de fait est moins que rassurante », écrit le général Béthouart qui précise, dans le Figaro du 25 mars : « Entre le rideau de fer et l'Oural sont stationnées 130 divisions sur pied de guerre, appuyées par 6.000 avions tactiques et 700 fusées de moyenne portée (IRBM) qui peuvent atteindre n'importe quel point de l'Europe occidentale. » Sous ce rapport non plus, aucun changement réel n'est discernable. Loin de se ranger parmi « les peuples qui veulent la paix », M. Adenauer dixit, l'Union soviétique par la volonté de son gouvernement fournit à des pays et à des peuplades d'Asie et d'Afrique des armes modernes qui servent non à la paix, mais à la guerre. Là où des tueries locales restaient limitées par une technique retardataire, elles prennent et prendront des proportions effrayantes en raison des apports de matériels meurtriers que consentent les grands pays industriels, à commencer par l'Etat pseudo-socialiste qui met à contribution son satellite tchécoslovaque. Le sang coule en abondance et sans cesse au Proche-Orient depuis que Moscou prodigue des armes aux clans et aux cliques arabes. L'Egypt~ envahit le Yémen, intervient en Syrie, menace l'Arabie et harcèle Israël par la seule vertu de ses armements soviétiques. L'Algérie économiquement faible déploie (contre qui ?) un militarisme insolent grâce aux chars et aux avions de même origine. En Ethiopie, en Somalie, en maints pays africains primitifs, Moscou envoie de quoi mettre à feu et à sang de vastes contrées jadis très calmes, comme en Birmanie, au Cambodge et autres pays asiatiques naguère paisibles. Inutile de rappeler comment Cuba est devenue un arsenal au titre de la coexistence pacifique. • La polémique sordide que poursuivent communistes russes et chinois a permis la divulgation d'un document soviétique officiel par Die Welt, de Hambourg, et l'on y trouve l'information suivante : « L'Unioµ soviétique livre à la République démocratique du Vietnam des quantités d'armes importantes et notamment des rampes de fusées, de l'artillerie antiaérienne, des avions, des chars, des dispositifs de protection côtière, des navires de guerre, etc. Dans la seule année 1965, l'Union soviétique BibliotecaGino Bianco 65 a mis à la disposition de la République démocratique du Vietnam des armes et du matériel militaire valant un demi-milliard de roubles. En outre, le Vietnam reçoit une aide pour la formation des aviateurs, des servants de fusées, des conducteurs de chars, des spécialistes en artillerie, entre autres. » On comprend ainsi pourquoi et comment le Nord-Vietnam a pu envahir le Sud et s'y cramponner contre les Américains venus à la rescousse des plus faibles. On comprend moins que les responsables soviétiques de cette guerre atroce soient regardés par Adenauer comme des champions de la . paix. Au cours des vingt dernières années, un « kremlinologue » en vue aux Etats-Unis résumait l'essentiel de ses analyses en ces trois formules successives : « Staline, c'est la guerre » ; puis : « Malenkov, c'est la guerre » ; enfin : « Khrouchtchev, c'est la guerre. » D'autres ont voulu conclure : « Khrouchtchev, c'est la paix », et à présent l'opinion dominante classe Brejnev et Kossyguine parmi les pacifiques. Au vrai, il importerait de définir les notions de paix et de guerre qui ont fini par changer de sens dans l'ère. ouverte par la révolution d'Octobre. Or pour les dirigeants communistes d'aujourd'hui comme pour ceux d'hier, la paix est une forme insidieuse de la conquête, la guerre un moyen exceptionnel de la parachever si les circonstances l'autorisent sans risque majeur pour leur pouvoir. Lénine avait enseigné à ses disciples : « L'histoire nous montre que la paix est une trêve pour la guerre, la guerre un moyen d'obtenir une paix un peu meilleure, ou pire. » C'était dit avant l'utilisation de l'énergie nucléaire en balistique, mais la pensée directrice transposée dans les condi- . ,, . ttons presentes reste en vigueur. Comment en or pur le plomb vil s'est-il changé ? - peut-on s'interroger à propos des communistes en intervertissant les termes du poète. Dans l'ordre de la politique intérieure, les articles de Bertram Wolfe : Constance du despotisme soviétique, et de Robert Conquest : « Libéralisation » du régime soviétique, dans la présente revue (n° 6 de 1962 et n° 3 de 1963), ont montré que les changements d'aspects et de degrés n'affectent pas la nature du régime. Dans 'l'ordre de la politique extérieure, les changements de méthodes n'altèrent en rien la continuité du dessein et la fi)fité du but final. Ne pas le con1prendre, c'est préparer à notre Europe occidentale des lendemains sinistres. B. SouvARINE.

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