Le Contrat Social - anno X - n. 1 - gen.-feb. 1966

50 du Cotnintern. Et bien qu'à Moscou pour un jour seulement, nous fîmes une apparition au congrès. Il s'agissait de la séance- au cours de laquelle Vladimir Ili tch prononça un discours remarquable qu'il commença en allemand pour passer ensuite au français. Je me rappelle l'impression produite sur les délégués. Dans la salle courut une rumeur d'approbation et d)enthousiasme. Et la fin du discours se perdit dans une ovation générale qui s'adressait tout autant au thème développé. A Moscou, la camarade Eliava fut atteinte d'une paratyphoïde, mais pour rien au monde elle ne voulut rester, et nous retournâmes à Bakou. Nous voyageâmes en wagon spécial et prîmes avec nous une infirmière. La situàtion était assez -pénible, mais finalement tout s'arrangea. Le congrès des. peuples d'Orient se déroula dans des conditions fort difficiles et très particulières. Qu'il suffise de dire qu'au nombre des délégués se trouvaient plusieurs khans et beys pour qui le voyage de Bakou était une occasion de faire des affaires : vendre des tapis, des articles· de cuir, etc. La spéculation était si manifeste et certaines gens étaient à ce point peu convenables qu'il fallait assurément s'en débarrasser. Mais le faire à Bakou signifiait déconsidérer le congrès. On résolut de les éloigner discrètement ' 2 • Autre difficulté, l'Azerbaïdjan avait sa propre monnaie et il fallait sans cesse changer l' argent russe contre l'argent du cru. A cet égard, nous fûmes beaucoup aidés par Drago Markevitch Messitch, qui tenait alors la comptabilité du Comité central du P.C. d'Azerbaïdjan. Aux_séances de la fraction (bolchévique) du congrès, cela n'allait pas non plus tout seul, car certains représentants de nos républiques d'Asie centrale, comme par exemple Ryskoulov, suivaient une ligne qui n'avait rien de bolchévique, et il fallait en venir à bout. Du Comintern, il y avait Zinoviev et Radek. Avec eux aussi il n'était pas facile de faire bon ménage. En outre, le représentant de l'Azerbaïdjan était Karimov, communiste manquant de fermeté à l'époque. Je me rapelle, par exemple, la séance houleuse du Comité central du P.C. d'Azerbaïdjan qui se déroula le lendemain des visites domicilaires effectuées à Bakou afin de confisquer les chaussures destinées à équiper l 'Armée rouge. Tous les richards de la. ville avaient mis leurs biens à l'abri dans les harems, 12. Allusion par trop discrète aux procédés expéditifs de la Tchéka. - N.d.l.R. --- ' BïbliotecaGino Bianco MATÉRIAUX D'HISTOIRE comp.tant qu'on n'y ferait pas de perquisitions. Cela vint naturellement aux oreilles des agents de la Tchéka, qui fouillèrent également les harems. Les musulmans poussèrent les hauts cris et il fallut de toute urgence convaincre Narimanov. que les activités de la Tchéka étaient justifiées. La jeunesse musulmane (Karimov et autres) nous soutenait. Je me rappelle le brillant discours de A. I. Mikoïan qui· avait, avec toute son ardeur, persuadé Narimanov de la nécessité pour le pouvoir soviétique d'en finir avec les richards d'Azerbaïdjan, étant donné que les paysans et les ouvriers marchaient avec nous. Le congrès prit fin. Je restai au secrétariat du Conseil de propagande et d'action des peuples d'Orient, conseil créé par le Congrès, en " qualité de secrétaire du Présidium. A la fin du mois d'octobre, J.V. Staline arriva à Bakou. Je lui fis un rapport détaillé de toutes nos activités, car depuis le temps de la clandestinité son autorité en matière de minorités nationales ét~it à mes yeux indiscutable. Je lui demandai si la ligne suivie par nou.s était juste et si nos méthodes de travail étaient bonnes. Il répondit par l'affirm.ative. Le bureau du Comité central avait beaucoup de travail en raison de la situation en Arménie. Un mouvement s'y préparait contre les dachnaks. Il ne se passait pas de jour que nous· ne recevions des nouvelles de là-bas, des demandes d'hommes, ·d'argent, etc. Une correspondance animée à propos de l'Arménie et de la Géorgie s'échangeait avec notre représentant plénipotentiaire en Géorgie, S.M. Kirov. A l'époque, les menchéviks avaient pris le pouvoir en Géorgie. A Bakou débarquaient constamment des menchéviks géorgiens, qui avaient de violentes disputes avec Sergo et d'autres de nos camarades .: ceux-ci, sans se gêner le moins du monde, disaient aux menchéviks que leurs heures étaient comptées, ce dont ces derniers convenaient sans toutefois être d'accord sur les délais. · Pendant mon séjour à Bakou, j'entretins une correspondance suivie avec S.M. Kirov. Il me souvient que je dus lui demander de prendre à l'ambassade ma bibliothèque. Après mon arrestation en 1912, j'avais laissé mes· livres à l'école de la Société des institutrices de Tiflis où j'étais moi-même directrice avant mon arrestation. Lorsque les menchéviks eurent pris le pouvoir, ils avaient fermé l'école. Les camarades qui travaillaient à l'école, parmi lesquels Sophie Nicolaïevna Karabinova, ne voulaient pas .que mes livres reviennent aux menchéviks.

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