Le Contrat Social - anno IX - n. 6 - nov.-dic. 1965

B. LAZITCH . Assassinats de dirigeants communistes allemands LES CHEFSDU P.C. ALLEMANDqui s,opposèrent au diktat de leurs compatriotes à Moscou d'abord, à celui de Staline ensuite, ne cessèrent, de 1919 à 1933, de s'attirer les foudres du Comintern. C'est ainsi que Paul Frolich, Ernst Reuter (Friesland), Heinrich Brandler, August Thalheimer, Ruth Fischer, Arkadi Maslow et beaucoup d'autres étaient déjà exclus du Parti lorsqu'en 1933 ils émigrèrent en Occident (contrairement aux dirigeants polonais et yougoslaves, toujours membres du Parti, bien que souvent à l'écart, au moment de leur exil en U.R.S.S.). L'émigration communiste allemande qui gagna Moscou à partir de 1933 se composait donc exclusivement de dirigeants ayant participé à la stalinisation de leur parti et du Comintern. HuGo EBERLEIN,membre du Comité central du P.C. allemand dès sa fondation en 1918, fut le seul dirigeant allemand qui pût se flatter d'avoir participé au premier congrès du Comintern en 1919 et au dernier en 1935. A la fondation, il était le seul représentant allemand (et le seul vrai délégué de l'Europe occidentale), et présidait le premier congrès aux côtés de Lénine et de Platten. En 1922, il revint à Moscou, entra au Comité exécutif et au Secrétariat de l'I.C., présenta un rapport au IVe Congrès, fut élu au VIe Congrès, en 1928, à la Commission de contrôle, titre qui lui fut renouvelé au VIIe Congrès en 1935. En 1937 encore, la Correspondance internationale publiait un article de lui, intitulé : « La République soviétique des Allemands de la Volga - république allemande la plus libre du monde. » Mais quelques jours plus tard Eberlein allait perdre sa liberté, de même que la République allemande devait être supprimée plus tard. La soudaineté de cette arrestation est décrite ainsi par H. Wehnert : « Le soir après l'arrestation d'Hugo Eberlein, Eva Sindermann, épouse de Rudolf Lindau, laquelle travaillait à la section des cadres du Comintern, exprimait sa crainte d'avoir ellemême bientôt des ennuis. Tout récemment, elle avait participé à une fête à l'occasion de l'anniversaire d'Eberlein, organisée dans un cercle restreint, avec W. Pieck. Celui-ci avait même prononcé un bref discours, vantant les mérites d'Eberlein et déclarant que le moment approchait où ce dernier occuperait de nouveau des fonctions dirigeantes. Elle ne pouvait avoir le moindre pressentiment alors qu'Eberlein allait Biblioteca Gino Bianco 339 être peu après arrêté 25 • » La veille même de l'arrestation, Dimitrov en personne avait causé avec Eberlein de certaines questions budgétaires. HERMANNREMMELEm, embre du Politburo du P.C. allemand depuis de nombreuses années, député au Reichstag et membre du Comité exécutif et du Présidium du Comintern dans les années 1926-28, réélu au lendemain du VP Congrès, en 1928, lorsque Staline prit décidément en main le Comintern. Il représenta ensuite le P.C. allemand au Comintern jusqu'à son arrestation et celle de son fils, Helmuth, en 1937, suivies de l'extermination de toute sa famille. LEo FLIEG, élu au vp· Congrès du Comintern membre de la Commission de contrôle, fut l'une des « éminences grises » du communisme allemand : membre du Politburo, il était responsable de l'appareil secret, tant de celui qui relevait de l'OMS de Piatnitski (liaisons internationales, finances, faux papiers, etc.) que de celui qui noyautait l'armée allemande. Il , vivait à Paris lorsque, en 1937, on le rappela à Moscou. « Il débarqua ainsi à Moscou pour tomber aux mains du NKVD et l'on n'entendit plus jamais parler de lui 26 • » HANS KIPPENBERGERc,hef des services de renseignements militaires du P.C. allemand, député communiste, arriva à Moscou en 1936 et fut bientôt arrêté, accusé d'être un agent de la Reichswehr. HÉINZNEUMANNm, embre du Politburo, l'un des trois chefs du Parti dans la première phase de la stalinisation (avec Remmele et Thaelmann), émissaire du Comintern en Chine et en Espagne, réfugié en U.R.S.S., fut arrêté en avril 1937 et disparut à jamais dans les geôles. Sa compagne, Margarete Buber-Neumann, fut à son tour arrêtée et livrée en 1940 par Staline aux autorités hitlériennes. WERNERHIRSCH, secrétaire d'Ernst Thaelmann, qui s'enfuit en Union soviétique, fut également arrêté et liquidé ; ScHULTE et KREUTZBURG,membres du Comité central; HEINRICHSussKIND, rédacteur en chef de l'organe du Parti Die Rote Fahne; WILLY LEOW, vice-président des formations de choc du Parti, « Roter Frontkampferbund »; HEINRICHKuRELLA, rédacteur de l' Inprekor ( Correspondance internationale) subirent le même sort, alors que quelques rares autres dirigeants pas25. H. Wehnert, op. cil., p. 160. 26. Margarete Buber-Neumann : Von Potsdam nach Moakau, Stuttgart 1957, p. 203,

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