Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

320 De la part du gouvernement soviétique, J. Z. Souritz me déclara officiellement que, hormis mon séjour volontaire à l'étranger, pas le moindre grief politique n'était relevé contre moi. Il m'invita à regagner Moscou, me garantissant que je ne courrais là-bas auc.un danger. Au nom du gouvernement, il souligna que pendant tout mon séjour volontaire à l'étranger, je n'avais pas commis un seul acte_ antisovié- • • A • • tique, n1 meme « ant1part1 ». Cela était vrai : bien que révoqué de mon poste dans des conditions révoltantes, oubliant la blessure d'amour-propre et l'affront immé- · rité, je fis preuve de sang-froid et de loyauté, laissant à Moscou le soin de prendre toute initiative ultérieure. Ainsi, l'accusation portée contre moi d' « être passé dans Je camp des ennemis du peuple », contredite par les faits, tombe d'elle-même. Le 12 octobre 1938, on ne m'incriminait pas encore de « désertion » ni de « passage dans le camp des ennemis du peuple », mais seulement de « séjour volontaire à l'étranger », ce qui tout_efois, d'après les lois soviétiques, est puni de mort. Dans une lettre que j'écrivis à Staline le 18 octobre 1938, je déclarais que je ne me reconnaissais même pas coupable vis-à-vis de ce chef d'accusation, le seul, à l'époque, relevé contre moi. Je lui prouvais par des faits que mon séjour momentané à l'étranger- n'était pas volo~taire, mais forcé. Je n'ai jamais refusé et ne refuse pas de rentrer en Russie, écrivais-je à Staline. - Ainsi, l'accusation portée contre moi, à savoir que j'ai refusé de rentrer en U.R.S.S., contraire· aux faits, tombe d'elle-même. Biblioteca Gino Bianco MATÉRIAUX D'HISTOIRE Depuis, je n'ai pas reçu d'autres mises en demeure de regagner l'Union soviétique. Ma demande à l'ambassade soviétique à Paris pour la prolongation de mon passeport est restée ,, sans reponse. Je viens d'apprendre par les journaux la comédie de ma condamnation par contumace en date du 17 juillet. Après m'avoir mis en demeure de quitter Sofia, on m'a traité de « déserteur >>. Après m'avoir révoqué arbitrairement de mon poste, on a prétendu que j'avais refusé de rentrer en U.R.S.S., aucun compte n'étant tenu de la déclaration écrite que j'ai envoyée à Staline, à savoir que je n'ai jamais refusé ni ne refuse de revenir en Union soviétique. Ma loyauté a été qualifiée de « passage dans le camp des enne- * mis du peuple ». ·Cette décision met une fois de plus en lumière la justice de Staline et la mise en scène de ses fameux procès ; elle montre de façon éclatante comment sont fabriqués les innom.. brables « ennemis du peuple » et quels sont les griefs que la Cour suprême estime suffisants pour prononcer des condamnations à mort. Le décret me mettant hors la loi est dicté par une fureur aveugle contre un homme qui a refusé de poser sans murmure sa tête sur le billot et osé défendre sa vie, sa liberté et son honneur. Je proteste contre un tel mépris de la justice et réclame une révision publique de mon procès en même temps que la possibilité de présenter ma défense. , 22 juillet 1939. F. RASKOLNIKOV. (Tex tes traduits du russe) ' -,

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