Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

A. BILINSKY td avocat a plaidé son dossier. Le présidum de chaque ·collège, composé pour la plupart des membres du Parti, est censé exercer une large surveillance sur le comportement de ses avocats au cours des procès, en prenant, s'il y a lieu, des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'à la radiation. Koukarski poursuivait en affirmant que des mesures officielles seraient prises pour remédier à ces abus. En particulier, de nouveaux règlements concernant les vacations judiciaires seraient mis en vigueur pour empêcher le paiement d'honoraires « privés ». En outre, la commission juridique du Conseil des ministres de la R.S.F.S.R. devait renforcer sa surveillance sur les collèges, lesquels devraient de leur côté renforcer la leur sur les activités de leurs membres. De tout cela, il faut bien conclure que l'objectif du régime est de s'assurer que les collèges d'avocats deviennent des organisations « socialement orientées », d'une nature semblable à celle des syndicats soviétiques. Statut social des avocats LE NOMBREDES ÉTUDIANTSinscrits aux cours de droit soit à l'université, soit dans des instituts, est déterminé en gros par le gouvernement. Jusqu'à présent, les autorités n'ont guère encouragé l'étude de cette discipline; c'est pourquoi les bourses accordées aux étudiants en droit sont plus maigres que celles octroyées aux étudiants en sciences naturelles 31 • _Depuisles années 30, les étudiants qui font leurs études supérieures aux frais de l'Etat sont tenus, une fois leur diplôme en poche, d'accepter le poste qui leur est assigné pour une durée de trois ans 32 • Les diplômés de droit sont soumis à cette règle, ce qui, en pratique, signifie qu'ils seront attachés pour les années en question soit à un tribunal, soit au cabinet d'un procureur, soit encore versés au service juridique d'une entreprise d'Etat. C'est seulement à l'issue de cette période que nos jeunes juristes peuvent décider ou bien de continuer à travailler dans des organes judiciaires de l'Etat ou bien d'entreprendre une carrière d'avocat. La plupart choisissent de continuer à travailler pour l'Etat, que ce soit comme procureurs dans des organes d'instruction ou auprès d~un tribunal. Ceux qui optent pour la carrière d'avocat sont d'habitude ou bien des idéalistes qui consid~rent que c'est là leur vocation, ou bien des gens privés de talent qui n'ont pas été capables li. Cf. l'ardcle de Rainer Lucu, /oc. dt. 32. Cl. R«wll •• oct,a ll1ulatl/1 concernant I• travail, Moacou 195', pp. 45-46. Biblioteca Gino Bianco 307 de faire leur chemin dans l'administration judiciaire ou dans les entreprises d'Etat. Aux yeux de l'homme de la rue, les membres du barreau jouissent d'un grand prestige. La raison en est simple : c'est à l'avocat de métier que le simple citoyen accusé de violer la loi doit faire appel pour sauvegarder ses droits et ses intérêts en face du pouvoir écrasant de l'Etat. La doctrine officielle a beau enjoindre aux avocats de ne pas faire passer leurs obligations envers un client avant leur devoir envers l'Etat et la société socialiste, ceux-ci n'en écoutent pas moins la voix de la conscience et n'hési- ' . tent pas a se mettre en quatre pour ceux qu1 leur ont confié le soin de les défendre. L'attitude des avocats soviétiques quant à l'observation du secret professionnel illustre fort bien cette attitude. Dans la plupart des pays démocratiques, l'avocat est en droit de refuser de livrer tout renseignement que lui a communiqué son client à titre confidentiel. Le code pénal de la République fédérale allemande considère même comme un délit de la part de l'avocat, dans une affaire criminelle, de divulguer « sans autorisation (...) les secrets privés à lui confiés en raison de sa fonction » ( § 300). En Union soviétique, au contraire, la procédure pénale ne reconnaît aucun droit de « communication confidentielle » entre un avocat et son client : comme tous les autres citoyens soviétiques, les avocats ont le devoir formel de collaborer avec les organes judiciaires de l'Etat pour lutter contre la criminalité 33 • En réalité, la plupart des avocats préfèrent ignorer ce devoir plutôt que d'agir d'une manière qui pourrait \miner les rapports de confiance avec leurs clients. Cet état de fait a incité des revues spécialisées à sermonner des membres du barreau pour leur faire comprendre la différence entre les concepts de moralité professionnelle qui ont cours en Occident et ceux qui doivent guider les avocats soviétiques. Alors que l'éthique de l'avocat bourgeois consacre le « droit au mensonge » au profit d'un criminel, la « moralité socialiste » exige que l'avocat serve exclusivement la cause de la vérité 3 •. De temps à autre, la grande presse fait également état du comportement « immoral » de tel ou tel avocat. La publicité donnée à ces affaires vise évidemment à obliger les avocats à devenir des instruments plus dociles entre les mains de la justice socialiste. 33. L'A vocal dan, le proch criminel..., p. 66. 34. La U1al1t, 1ocla/11te, n° 22, 1964, pp. 13 aqq.

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