Le Contrat Social - anno IX - n. 5 - set.-ott. 1965

A. BJLINSKY Jusqu'à la mi-64, les études de droit duraient cinq ans; depuis, le cycle a été réduit à quatre ans et demi. Le programme prescrit par le ministère de l'Enseignement supérieur pour les facultés et instituts de droit comprend notamment: les fondements du marxisme-léninisme; l'économie politique; le matérialisme dialectique et historique;· la logique, le latin et les langues étrangères; la théorie politique et juridique; l'histoire du gouvernement et du droit soviétiques; l'histoire de la science politique; les fondements du droit privé romain; diverses branches du droit soviétique, telles que le droit constitutionnel, le droit administratif, le droit fiscal, le droit pénal et la crimi1 • 18 no og1e, etc. . C'est par ce programme, assorti d'une période de pratique dans les organes judiciaires d'Etat ou encore d'un stage auprès d'un collège d'avocats, que le régime a tenté de créer, depuis les années 30, un corps de « véritables avocats soviétiques ». Pratiques staliniennes APRÈS L'ÉCHEC de l'expérience initiale de justice « socialisée », le système judiciaire soviétique fut coulé dans le moule d'une bureaucratie d'Etat. Certes, le barreau était censé former une branche autonome de la machinerie judiciaire, mais, en réalité, ses membres exerçaient une influence très minime sur les décisions des tribunaux durant les années 30. Contrairement à de nombreux procureurs d'Etat, et plus encore aux juges, les avocats de métier comptaient dans leurs rangs une forte proportion de juristes qualifiés. Cependant leur formation supérieure ne leur servait pas à grandchose en face du nihilisme de l'idéologie officielle pour qui le droit n'est qu'une institution bourgeoise. Le fait que les avocats de métier furent réduits, du temps de Staline, au rang de simples surnuméraires dans les tribunaux, peut être attribué à un certain nombre de causes : 1. Pendant cette période, les organes de la justice étaient officiellement considérés comme des armes à utiliser dans la lutte contre les ennemis de classe. En conséquence, un avocat pouvait difficilement oser attaquer un dossier d'accusation, de peur d'être soupçonné de défendre un ennemi de classe. En outre, les procureurs et les juges étaient, presque sans excepIl. Pour plua de d6talll concernant 1'6tudedu droit en U.R.S.S., cl. le rapport de RalDer Lucu ln J"'ut•nnlt11116 (R6publlque f6d6rale), ••- 1, 1962. pp.21-23. Lucu a 6tudt, le droit à l'unlvenlt6 de Moecou en 1961-62. Biblioteca Gino Bianco 303 tion, membres du Parti, et les assesseurs du peuple eux-mêmes, qui siégeaient au tribunal, ne se risquaient pas à contrecarrer leurs volontés. Les avocats, eux, n'étaient généralement pas inscrits au Parti, sauf ceux qui occupaient des postes-clés dans les collèges. 2. Les affaires impliquant des crimes politiques étaient jugées par des tribunaux de région ou des tribunaux militaires en vertu de clauses spéciales (chapitre IV) du code de procédure pénale, lesquelles limitafent grandement le droit de l'accusé à bénéficier de l'assistance d'un défenseur. De plus, un petit nombre seulement d'avocats étaient autorisés à assurer la défense dans les procès politiques : selon A. Simionov, à Moscou, sur environ 1.500 avocats, une cinquantaine au plus disposaient de cette autorisation 19 • Qui plus est, lorsqu'ils étaient en mesure de plaider dans des procès politiques, on attendait d'eux qu'ils témoignassent de leur loyauté envers le régime, ce qui avait souvent pour résultat qu'au lieu de défendre l'accusé ils se joignaient à l'accusation pour le charger davantage. 3. Le cabinet du procureur, lequel était entièrement subordonné aux organes de la Sécurité d'Etat, avait le monopole absolu de l'instruction des affaires, ni la défense ni le tribunal n'ayant, à ce stade, accès au dossier. L'instruction, une fois terminée, l'affaire était soumise au tribunal pour « audience préparatoire » (podgotovitielnoïé zassédanié). Jusqu'au milieu des années 20, on discuta pour savoir si le renvoi devant le tribunal (prédanié soudou) incombait au tribunal lui-même ou au procureur. Les tl\éoriciens de l'ère stalinienne faisaient valoir ~~r reconnaître ce droit au tribunal traduirait un manque de confiance dans le ministère public; qu'en outre, le tribunal ferait double emploi avec ce dernier en surveillant le travail des organes d'instruction. Ce point de vue fut soutenu dans une résolution du Comité central exécutif panrusse et du Conseil des commissaires du peuple de la R.S.F.S.R. en date du 20 octobre 1929 20 • Depuis lors, à toutes fins utiles, les affaires étaient tranchées au stade préliminaire, sans la participation de l'accusé et de l'avocat, et l'audience proprement dite devenait un simple spectacle destiné à influencer les masses. 4. A « l'audience préparatoire », il appartenait également au tribunal de décider si oui ou non le procès se déroulerait avec la parti19. Simionov : op. clt., p. 37. 20. R.c11•IItk1 loi, d• la R.S.F.S.R., n° 78, 1919, art. 756.

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