128 certitude de calme à l'Est» et « n'a pas été sans influence sur les grandes victoires allemandes » (discours de Molotov, 31 juillet 1940; NaziSoviet Relations, documents officiels, pp. 232 et 236). Maïski, comme tous ses congénères, était sous la surveillance constante d'un tchékiste, même quand il allait chez Eden, qui l'atteste, et il partageait les illusions stupides de Staline sur la validité du pacte germano-soviétique. En vain Eden essayat-il à plusieurs reprises de lui ouvrir les yeux, lui réitérant des informations sûres et des avertissements sincères relatifs aux préparatifs d'agression allemande. Maïski, comme Staline, ne voulait rien en croire, preuve supplémentaire qu'il n'était qu'un écho servile de son maître. On sait de diverses sources incontestables, et Khrouchtchev l'a confirmé en apportant ses précisions propres, que Staline est resté sourd à tous les avis prodigués pour le mettre en garde. Plus se précisaient les intentions agressives de ses partenaires, plus il donnait à ceux-ci des gages de confiance. Ici, on doit citer Eden : Le gouvernement soviétique multiplia, en effet, les gestes d'apaisement vis-à-vis de Hitler. Il accepta soudain, par exemple, la thèse nazie sur la frontière de Lituanie, changement d'attitude que le chargé d'affaires allemand à Moscou qualifia de très remarquable. II accéléra les fournitures de grain au Reich et cessa de faire pression sur les Finlandais pour le transfert de la concession du nickel de Petsamo. Tout cela me semblait encore plus significatif que la démonstration publique d'amitié de Staline à l'égard de l'ambassadeur d'Allemagne sur le quai de la gare à Moscou, en présence du ministre des Affaires étrangères japonais ... On voit que Staline ne se bornait pas à « regarder » : il coopérait activement avec l'Allemagne hitlérienne. Encore le 2 juin, continue Eden, «Maïski vint me voir, sur ma demande, flanqué de son surveillant. Je lui expliquai que, selon nos informations, l'Allemagne concentrait . des forces terrestres et aériennes considérables, face à la Russie. »Mais Maïski ne peut pas« croire à des intentions hostiles du Reich ». Le 5 juin, Eden a· une « longue conversation avec Maïski », et au cours d'une nouvelle entrevue le 13, « je lui dis que depuis quarante-huit heures, nos informations devenaient de plus en plus significatives. Les concentrations de troupes allemandes étaient destinées peut-être à la guerre des nerfs, mais peut-être aussi à une attaque contre la Russie... » Mais, poursuit Eden, « l'ambassadeur ne parut pas prendre grand intérêt à tout cela : il transmettrait ma communication, mais ne croyait pas à une attaque allemande». Evidemment Maïski ne pouvait que répéter comme un perroquet l'opinion de Staline. Ce jour même, l'agence Tass démentait les bruits de guerre imminente, qualifiés d' « absurdité évidente » et de manœuvre de propagande due aux pays intéressés à l'extension des hostilités, et elle affirmait, de source soviétique officielle, que « les intentions prêtées au Reiçh de rompre le pacte sont dépourvues de fondement». Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL On ne trouve aucune trace de tout cela chez Maïski, qui a le toupet d'écrire : le samedi 21 juin, « je pensais aux bruits concernant le saut imminent d'Hitler vers l'Est, contre l'U .R.S.S. Depuis un mois, en Grande-Bretagne, tout le monde ne parlait que de cela (...). La raison me disait que l'attaque de l'Allemagne hitlérienne était imminente. Plus d'une fois j'avais dû communiquer à Moscou des faits et des symptômes qui ne trotp.pent pas. Mais mon cœur ne voulait pas y croire. » L'effronterie de ce menteur passe visiblement les bornes : il communiquait forcément à Moscou «les faits et les symptômes » qu'il tenait d'Eden et de Sir Stafford Cripps, l'ambassadeur britannique à Moscou rentré à Londres, car c'était son métier de transmettre les communications dans les deux sens, mais s'il avait ajouté une seule ligne, un seul mot, décelant ce que lui disait sa «raison», il ne manquerait p.asd'en faire étalage dans ses Mémoi- ,, res. Au lieu de quoi, il prend des airs avantageux et il évoque le souvenir encourageant de « nos aïeux» vainqueurs de Napoléon. Observons en toute objectivité que Maïski étant d'origine polonaise, ses aïeux étaient du côté de Napoléon contre la Russie impériale. Mais l'essentiel est qu'il reconnaît, à son corps défendant, la véracité de tout ce que relate Eden en ce qui concerne le concours immédiat, spontané, immense, offert par l'Angleterre à l'Union soviétique. Il confirme aussi le discours secret de Khrouchtchev sur le comportement lamentable de Staline en juin 1941, puisque la vérité sur ce point est autorisée en haut lieu, et même prescrite. Le deuxième jour de la guerre se passe, puis le troisième et le quatrième, « et Moscou continuait de se taire. J'attendais avec impatience des directives( ...). Ni Molotov ni Staline ne donnaient signe de vie. A ce moment-là, je ne savais pas que depuis l'attaque allemande, Staline restait enfermé dans son bureau, ne voyait personne et ne prenait aucune part aux affaires de l'Etat. » · (C'est devant cette sinistre brute que la multitude des nigauds, en Occident, s'est prosternée pendant des années, et qu'un bon nombre s'inclinent encore.) Néanmoins, Maïski prétend se camper en hoiµme capable d'initiative et se flatte d'avoir émis l'exigence du deuxième front vingt jours avant Staline. Où veut-il en venir ? Manifestement à dénigrer Churchill, puis les Anglais et les Américains, comme il l'a fait dans les termes cités plus haut, au mépris de la vérité, sans la moindre décence. De quel poids sont ses insinuations, ses. commentaires ? Pour en avoir une idée, il faut connaître la biographie du personnage. Mais ni la Grande Encyclopédie Soviétique ni la Petite, dans leurs éditions antérieures à la guerre, ne daignaient lui accorder une notice. Il ne figure qu'à titre de « diplomate» dans les éditions d'après la guerre, lesquelles sont strictement muettes sur son passé politique. Rappelons le mot d'Isaac Babel sur Staline : « Il n'aime pas les biographies sans tache.»
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