122 quences d'un crime commis antérieurement, ou encore pour rejoindre des parents vivant à l'étranger, son acte ne constituera probablement pas un fait de haute trahison. S'enfuir dans une « démocratie populaire» exclura généralement la définition de trahison et le délinquant pourra espérer une certaine clémence. Mais si le fuyard tente d'atteindre par avion le territoire d'un pays capitaliste, il peut être accusé d'avoir porté préjudice aux intérêts de !'U.R.S.S., donc inculpé de trahison. Il peut y avoir également trahison lorsque la « démocratie populaire » n'était, dans l'esprit du fuyard, qu'une étape vers le monde « capitaliste » 41 • Voyages « d'affaires » DES STATISTIQUES de l'Intourist pour 1960, il ressort que, cette année-là, les Soviétiques qui ont voyagé à l'étranger pour affaires ont été presque cinq fois plus nombreux que ceux qui ont voyagé pour leur plaisir. Il n'est pas un seul pays où l'U .R.S.S. n'ait envoyé plus de voyageurs « pour affaires » que de simples touristes. En sens contraire, !'U.R.S.S. a reçu plus d' « hommes d'affaires » que de touristes en provenance de tous les pays du monde, à l'exception des trois suivants : Etats-Unis, Allemagne orientale et Tchécoslovaquie. Cependant, la différence entre les chiffres respectifs n'est importante que dans le cas des Etats-Unis 42 • Pour l'Intourist, la catégorie des « visiteurs pour affaires » comprend les sportifs, les personnes en mission religieuse, les délégations de quelque importance dans telle ou telle profession, les gens qui voyagent en vertu d'accords d'échanges culturels (étudiants, guides d'expositions, artistes et professeurs), enfin ceux qui veulent faire du commerce. Alors que la sélection et la surveillance auxquelles sont soumis les véritables touristes soviétiques sont uniformément strictes, la façon de procéder avec ceux qui partent sous d'autres auspices diffère en partie selon la nature du voyage et sa durée. Les athlètes ne restent pas longtemps à l'étranger. Leur sélection étant fondée essentiellement sur leurs prouesses physiques, les précautions de sécurité consistent à surveiller étroitement leurs loisirs. Les voyageurs qui sont destinés à séjourner plus longtemps hors de !'U.R.S.S. et à être en contact avec la population locale ne sont pas logés à la même enseigne : cette fois, les critères de sécurité pèsent bien davantage dans le pro_cessus de sélection. Ces derniers temps, la presse soviétique a publié des articles d'où il ressort que l'autorisation de partir peut être refusée à un candidat qui n'est pas considéré comme étant politiquement mûr.: Après qu'Eugène Evtouchenko eut publié 41. Menchaguine et Kourinov : Commentaire théorique et pratique sur la loi concernant la responsabilité pénale pour les crimes d'Etat, 2e éd. révisée, Moscou 1961, pp. 15-16. 42. Report of US Travel Mission, loc. cit., PP: 29-30. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE en France son Autobiographieprécoce, il se trouva, au cours d'une conférence d'écrivains, quelques bonnes âmes pour exiger que le privilège des voyages à l'étranger soit retiré aux écrivains non conformistes 43 • Peu après, Evtouchenko annulait une visite projetée à l'université de Princeton, invoquant des raisons de santé 44 • Les voyageurs qui rentrent au pays en rapportant des impressions qui ne concordent pas toujours avec l'imagerie officielle peuvent s'attendre à avoir des ennuis. Victor Nékrassov a été blâmé à la suite de la publication du compte rendu de son séjour aux Etats-Unis. En trouvant admirables tels aspects de la vie américaine, le poète avait tout simplement oublié que la « coexistence pacifique », doctrine qui vaut pour les rapports politiques entre Etats, ne saurait en aucune façon s'appliquer aux conflits idéologiques 45 • Les étrangers en voyages d'affaires en U.R.S.S. sont rarement inquiétés, mais les citoyens sovié- '" tiques qui les fréquentent ont parfois à en pâtir. Les étudiants peuvent s'entendre intimer l'ordre de ne pas assister à des conférences données par des professeurs venus au titre des échanges culturels et qui font état de documents autrement inaccessibles auxdits étudiants. Harold J. Berman, professeur de l'école de droit d'Harvard, a été contraint d'interrompre son cours à l'université de Moscou, le nombre de ses auditeurs étant brusquement tombé de deux cents à cinq. Cette désertion massive se produisit après que H. J. Berman eut distribué la traduction russe d'une déci..; sion de 1954 de la Cour suprême des Etats-Unis qui déclarait inconstitutionnelle la ségrégation raciale dans l'enseignement public, ainsi qu'une décision de 1960 qui annulait un paragraphe du décret de surveillance des activités subversives enjoignant aux « organisations communistes » de se faire enregistrer au ministère de la Justice. Les étudiants avaient, de toute évidence, reçu du Komsomol l'ordre de boycotter le cours du professeur Berman 46 • Périodiquement, le public soviétique se voit rappeler que certains soi-disant voyageurs d'affaires sont chargés de missions d'espionnage. Peu après l'inauguration à Moscou d'une exposition américaine ,de transports, les J zvestia mettaient en garde leurs lecteurs contre les provocations montées par les services spéciaux occidentaux à l'occasion des expositions étrangères. On appre~ nait par la même occasion que, dans l'orchestre de Benny Goodman qui avait fait une tournée 43. «Travel Curbs Urged for Soviet Writers », in N. Y. Times, 3 avril 1963, résume un article de la Litératournaia Gazeta. , 44. Theodore Shabad, in N. Y. Times, 13 avril 1963; article de tête, id., 15 avril 1963. 45. Cf. Priscilla Johnson : « The Regime and the Intellectuals - A Window on Party Politics », in Problems of Communism (Washington), supplément spécial, juillet-août 1963, p. XXIII. 46. Theodore Shabad in N. Y. Times, 14 avril 1962.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==