P.-J. PROUDHON : CENT ANS APRÈS 1° adultère ; 2° impudicité ; 3° trahison ; 4° ivrognerie et débauche ; 5° dilapidation et vol ; 6° insoumission obstinée, impérieuse, méprisante. » Car, prononce Proudhon, « l'homme, époux, 8 droit de justice sur sa femme; la femme n'a pas droit de justice sur le mari». Le moralisme du Joseph de Maistre prolétaire forme un tout dont nul n'est autorisé à rien retrancher, p1s plus qu'on ne peut supprimer l'apologie du bourreau dans le Joseph de Maistre aristocrate. Quant à Valois, il reprend à son compte le thème de l'Or et du Sang, dans le troisième Cahier du Cercle Proudhon en 1912 : «A quoi tend le mouvement de l'Action française si ce n'est à arracher le pouvoir politique à l'Or pour le rendre au Sang ? » Une des principales raisons d'être du Cercle consiste à «défencire le sang français contre l'or, même contre l'or français ». On ne sait pourquoi les majuscules disparaissent et réapparaissent : « A l'économie de l'Or où nous vivons depuis un siècle et demi, nous opposons l'économie du Sang. » Les références à l'Or et au Sang, dont Proudhon n'est pas responsable, vont s'enrichir d'un nouveau vocable avec l'intervention de Daniel Halévy dans le débat. Ou plutôt dans les débats, :ar ~,est dans le Journal des Débats des 2 et 3 Janvier 1913 que Daniel Halévy écrivait: « Proudhon a d'abord été touché par l'optimisme et le rationalisme de son siècle ; il en a partagé les espérances et, par là, s'est laissé mener fort près du socialisme et du démocratisme. Mais il a rectifié ses vues, courageusement et à grand'peine ; il a reconnu _le caractère permanent, inéluctable, de3 antagonismes qui traversent la vie des sociétés :omme ce~le des individus. Et mieux que nul autre, 11a compris, fondé en droit, la guerre, la famille, la propriété. » Le dernier rejeton de l'illustre lignée des Halé~ se plaît à citer ce passag~ de Proudhon : « L~ J,uif et l'Anglais sont les maitres en France. Qui s en émeut ? Personne. Si un homme avisé osait dire un mot contre les Juifs on crierait que c'est un attardé du Moyen Age.» Et pour terminer, l'auteur se lançait dans une tirade éloquente : « Cette sorte d'homme se relie à travers les siècles aux traditions de la glorieuse humanité aryenne (sic) laborieuse, justicière et guerrière, toujours cha~tante. Avec ses pareils, ses. pères _Cyrus ~t Charlemagne fondèrent des empires, Saint Louis et Henri IV un royaume. » Après l'Or et le Sang,_il _nema~'\uait que l'humanité aryenne. Sorel qui, a la d1~ere11:cdee Ber!h, n'adhérait pas fc~rmell~m~nt à 1Ac!1011~;rança1s~ mais s'en avouait sohda1re, et qui d ailleurs a l'époque prenait très au sérieux dans l'Indépendance, sa revue, les crimes rituels 1es ~uifs b1;1~eurs de sang infantile ( à pr~po~ de 1affa1~eBe1hs en Russie) Sorel renchérissait sur la tirade finale d'Haléry dans une lettre où il invoque Les lndoEuropéens avant l'histoire, livre d'un Allemand obscur : « Vous vous rappelez que, suivant le grand juriste allemand, les ?~~ines de l'Etat aryen (sic) ont été toutes m1hta1res et que les Biblioteca Gino Bianco 89 Rom1ins ont conservé de leurs mœurs antiques quantité de traces d~ la civilisation des Arye,n~ (sic) ; nous devons aJoute! que Proudhon a ete souvent un véritable Romam 3 • » (Donc Proudhon, ce Françai~ si français, ce Français par excellence, « français de ra~e et de langue », Français des pieds à la tête, .voir~ ~e la tête aux pieds, ce Gaulois pour tou~ dire, eta1t 1.e plus un Aryen, et même un Romain, outre qu_Il possédait la qualité suprême de Franc-Co1?to1s. D~s expressions comme« rude Franc-Comtois» et « robuste Franc-Comtois » reviennent constamment sous la plum~ des monarchistes proudhonisants: Rappelons simplement que l'histoire de la Franche-Comté a été, sauf erreur, beaucoup plus germ1nique que gauloise ou française. La Franche-Comté a fait partie du royaume des Burgondes, appartenu à Frédéric Bar~erousse~ à h1 maison des Hohenstaufen, au Samt-Emp1re sous M1ximilien, puis sous Charles Quint qui la légua à la branche espagnole de sa descendance, p:,ur ne devenir française qu'après le trait.~ de Nimègue dans le dernier quart du xvne s1ecle. Sur des insanités comme l'Etat aryen ( ?), l'humanité aryenne ( ?), l'Or ( ?) et le Sang ( ?), trêve de cJmmentaires. M~üs on comprend que les membres de l'Action française se soient défendus d'être les disciples d'Hitler dont ils se flattaient d'avoir été en fait les précurseurs.) Maurras, qui se piquait de logique et que de solides partis pris préservaient des excitations de ses disciples, n'allait pas a~ssi loin que les J:?-éoproudhoniens du Cercle, s efforçant de « raison garder » sans refuser l'apport des intellectuels syndicalistes ralliés à la monarchie. A l'instar de Marx, n'en déplaise à ses mânes, il critiquait en Proudhon la méconnaissance des données historiques réelles. M1lgrél'anim1dversion de Proudhon envers Rousseau, il discerne entre eux des affinités certaines : « Dédu:;tif comme Rousseau, enivré comme Rou~seau de ce qui doit être, emporté comme lui p1r des courants antagonistes, tenté par le même individu1lisme, ~roudhon cor~es_pond aussi à Rousse1u comme philosophe ; m:1.1Isl eut aussi sur Rous3e1u ces profondes supériorités morales nées de la tradition et du sang qui, à l'heure critique, savent quelquefois opérer le demisauvetage d'une pensée. » Le sang, toujours le sang : spécialiste en hématologie politique, Maurras poursuit sa comparaison entre Proudhon et Rousseau : « ••• Quel 3. Daniel Halévy qualifie de « rénovateur du proudhonisme » ce Georges Sorel qu'un Cahier de l'Institut de science économique appliquée (n° 102, juin 1960) ne craint pas de regarder comme le premier. marxis~e au~henti9ue en ~rance. A la vérité Sorel, grand hseur, d espnt éveillé, curieux et mobile, traversé d'intuitions et de lubies, dilettante, instable, souvent superficiel, peu systématique, donc de tendance contraire au marxisme, a eu pour mérite d'introduire en France un ferment intellectuel opportun et des écrits instructifs de marxistes allemands et italiens éminents dans le socialisme élémentaire de son temps, avant de s'orienter vers l'Action française.
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