Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

266 ments démentiels de Staline sans être mandaté à cet effet par la direction collective. Nous avons souvent démontré que le stalinisme perdurait avec Khrouchtchev, quoique sous des formes atténuées, que notamment l'essence du stalinisme, le mensonge, persiste avec les épigones *, quels que soient les correctifs de détail répondant à des mobiles méprisables. Les staliniens, y compris Khrouchtchev, n'ont avoué jusqu'à présent qu'une petite partie des abominations staliniennes, dont ils furent complices, et n'ont réformé que superficiellement les méthodes despotiques de gouvernement auxquelles ils doivent leur ascension politique. Ils entretiennent cyniquement le « culte de la personnalité» qu'ils font mine de réprouver , d'autre part, le culte de Lénine dont ils sont bénéficiaires, et l'on assistait hier encore à un certain culte, à un erzatz de culte de Khrouchtchev. La chute de ce dernier vient de s'accomplir également à la façon staliniste, l'effusion de sang en moins, la direction collective tramant son opération tandis que Khrouchtchev villégiaturait au Caucase ; de même Molotov et Malenkov avaient tenté leur coup en juin 1957 pendant que Khrouchtchev voyageait en Finlande ; et ce fut en rentrant d'un séjour dans les Balkans que Joukov apprit qu'il était sacqué sans phrases. Remarquons une autre analogie : Khrouchtchev, comme Joukov, perd son rang pour avoir exagéré son propre rôle, pour s'être mis au-dessus de ses collègues, pour fautes commises par excès de présomption et d'autoritarisme. A écarter aussi les spéculations relatives aux problèmes économiques de grande envergure qui relèvent de l'ensemble des organes qualifiés de l'Etat soviétique, non d1une inspiration personnelle. Ainsi la priorité accordée ou refusée à l'industrie lourde ou à l'industrie légère, donc l'affectation des investissements et des moyens techniques. Il y a en U.R.S.S. un Gosplan, un Conseil supérieur de l'Economie, une banque d'Etat, des ministères spécialisés, des bureaux d'études et de statistiques dont les travaux, les calculs, les prévisions aboutissent au gouvernement nominal et au pouvoir réel où les sections compétentes passent au crible les conclusions et propositions des services ci-dessus mentionnés. Il est inconcevable qu'un Malenkov naguère, un Khrouchtchev ensuite, un Brejnev ou un Kossyguine demain puissent passer outre aux données matérielles fournies par l'immense appareil étatique habilité à répartir les ressources après élaboration des plans. Autre exemple, celui des « agrovilles », dont tant. de soviétologues ont attribué la conception irréalisable à Khrouchtchev : il est prouvé que de tels projets existaient dans les cartons du Gosplan antérieurement à 1930 (cf. « Les agro- * Cf. entre autres : « Le stalinisme sans .démence», in Est et Ouest, n° 147, mars 1956 ; « Le stalinisme sans Sta1ine », in Revue de Paris, juin 1956. Dans la présente revue, tous les comptes rendus de Jivres soviétiques d'histoire sans exception en dénoncent le caractère foncièrement mensonger, inhérent au stalinisme. BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL villes avant Khrouchtchev », in Est et Ouest n° 236, mai 1960). Cela n'empêche que Khrouchtchev se soit étourdiment livré, dans des secteurs de l'agriculture où il prétend s'y connaître, à des improvisations intempestives et préjudiciables au rendement sans consulter ses pairs : les huit volumes de ses discours et rapports (plus de 4.000 pages) sur les questions agricoles en portent témoignage. On ne devra pas s'étonner que les déboires dans ce domaine lui soient inscrits à charge, comme ce fut le cas pour Malenkov, par ceux qui partageaient. au <c sommet » une responsabilité collective. A écarter enfin les conjectures qui font abstraction, en politique internationale, des intérêts impérialistes, des ambitions de leadership, des rivalités de prestige et d'influence. Même si Khrouchtchev s'est conduit comme un butor dans ses relations avec les Chinois, la mégalomanie stalinoïde de Mao n'en demeure pas moins essentielle dans le schisme communiste et l'antagonisme sino-soviétique. S'il s'agissait d'idéologie, comme l'ont décrété tant de docteurs ès sciences immorales et impolitiques, n'importe quel rapprochement ou compromis entre Moscou et Pékin serait imaginable, sous l'aiguillon de nécessités· immédiates, à la faveur du départ de Khrouchtchev. Mais Mao a fulminé contre toute la cc clique révisionniste », autrement dit contre la direction collective, contre son chauvinisme et son impérialisme, sa politique intérieure et extérieure, son embourgeoisement et sa dégénérescence ; il a mis en cause l'évolution sociale du régime, la nouvelle classe privilégiée, et finalement l'intégrité territoriale de l'Union soviétique. Si dénués de principes et de scrupules que soient les rejetons politiques de Staline, russes et chinois, ils ne résoudront pas la quadrature du cercle dans lequel ils se sont fourvoyés. Et ce, d'autant moins que Mao n'a plus à perdre rien de vital en persévérant dans son chantage, son intérêt mal compris (en tant que personnification de l'Etat chinois) l'incitant au contraire à poursuivre une entreprise de démolition en si bonne voie. Le maître chanteur se sent en position d'exiger un prix énorme en échange d'une trêve de la polémique, mais les supplanteurs de Khrouchtchev se condamneraient à chanter indéfiniment s'ils payaient trop cher pour ne gagner qu'un peu de temps. Ni le rapport Souslov en date du 14 février dernier (publié seulement en avril), ni le factum d'Ilitchev paru en juillet dans le Kommounist, ni celui de Ponomarev le 7 août ne donnent à penser que l'absence de Khrouchtchev désarme les Chinois, outre que l'entente Moscou-Belgrade a ses raisons majeures que la raison mineure de Pékin et de Tirana ne saurait admettre. S'IL N'EST PAS VRAI que le mérite ou le démérite puisse incomber au seul Khrouchtchev dans les .résolutions qui impliquent les principaux chapitres du budget ou les grandes lignes de la production industrielle et agricole, il n'est pas

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==