Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

QUELQUES LIVRES au jour les pauvres débris des plus anciennes civilisations. Mais, des documents accumulés par les anthropologistes des divers pays, il a acquis une connaissance probablement inégalée, et surtout il a tenté des essais de synthèse qu'il se garderait bien lui-même de tenir pour définitifs, tant sont multiples les apports dont les fouilles enrichissent quotidiennement les musées. Ces essais, cependant, ont frappé tous les connaisseurs par leur richesse, leur ampleur et leur ingéniosité. Une de ses idées maîtresses est que, pour saisir le passage de la préhistoire à l'histoire, rien ne vaudrait le Proche-Orient où semble se dessiner le plus nettement la « révolution néolithique » qui s'est propagée ensuite vers le Nord, l'Occident et, probablement aussi, vers l'Inde et la Chine. En deçà de cette période s'étend celle de la vie « sauvage » dont les origines remonteraient, selon les uns, à quelque 500.000 années, à un million, estiment d'autres. Tout ce qu'on peut en dire, c'est que l'humanité a déjà, depuis plusieurs millénaires, surmonté la brutalité animale en inventant les premiers outils, coups de poing massifs, puis silex étonnés au feu ou taillés par simple choc, que seul l'homo /aber s'est trouvé capable de fabriquer ; d'où le nom de paléolithique donné à cette ère des tout premiers tâtonnements du génie humain, qui a également tiré parti de divers matériaux durs, bois, ivoire, os, etc. Il faut nous arrêter un instant ici pour relever un fait extraordinaire que ni l'auteur ni le préfacier ne mettent en relief. Cette période, où l'on ne sait encore si l'homo sapiens se dégage de l'homo /aber, a vu apparaître, probablement avant le dixième millénaire antérieur à notre ère, des sentiments esthétiques et une habileté technique qui mettent hors pair la race magdaléenne ; celle-ci a produit les peintures rupestres d'Altamira, des Eyzies, de Lascaux, etc., qui font notre émerveillement. De telles œuvres avaientelles une signification magique, comme on l'a supposé? Il est en tout cas certain que cette race avait certaines préoccupations religieuses : elle enterrait cérémoniellement ses morts, elle semble avoir rendu un culte à la sexualité. Quand et pourquoi ces prémices d'une vie spirituelle naissante ont-ils disparu? C'était, pense notre auteur, à la fin de l'ère glacière; la forêt envahit la steppe ; mammouths et bisons émigrèrent vers le Nord ; « la magie devint impuissante ; les Magdaléens et leur art disparurent» (p. 63). Ainsi fut peut-être perdue une des meilleures chances de la civilisation. Il appartenait à l'âge néolithique de prendre la relève. Vers quel moment? « Quelque part dans le vie millénaire avant notre ère », écrit prudemment M. R. Furon dans la précieuse préface dont il a enrichi le livre de Gordon Childe ; m non plus « sauvage », mais plutôt « barbare ». Sans doute l'homme vit encore de cueillette, Biblioteca Gino Bianco 321 de pêche et de chasse, mais il n'est plus simplement consommateur ; il « pense à assurer son avenir alimentaire»; il apprivoise certains animaux et les nourrit en vue de sa propre alimentation; en outre, et ce fut peut-être la part de la femme dans ce bond en avant de la civilisation, il sélectionne des graines susceptibles de se conserver dans des silos ; la culture naît, obligeant l'homme à se fixer au sol, à créer le village, à perfectionner son outillage; le silex poli s'ajoute au silex taillé, la poterie moulée à la main élabore les premiers ustensiles domestiques. Le 1v0 millénaire apparaît à Gordon Childe comme « plus fécond en découvertes qu'aucun autre âge avant la Renaissance». Grâce à la multiplication des biens de consommation, la vie de grandes masses d'hommes devient possible et engendre la « révolution urbaine», supposant elle-même de grands travaux collectifs, remparts, canaux d'irrigation. La maison en briques séchées remplace la demeure en pisé ; le cheval fait son apparition, bientôt suivi de l'âne ; on les attellera au véhicule à roues et à la charrue ; la poterie au tour s'ajoute à celle façonnée à la main ; enfin, avec le cuivre, le métal commence à s'insérer parmi les procédés de fabrication. Le bateau, fait de papyrus ou de bois, commence à flotter sur les fleuves, Nil, Tigre et Euphrate, mû à la perche ou même à la voile. Les grands ·centres de civilisation se développent, parallèlement, dans les vastes vallées de l'Egypte et de la Mésopotamie ; entre eux se dessinent les premiers échanges commerciaux, simple colportage d'abord, consacré principalement au transport de lingots métalliques, cuivre, puis étain. Vers la fin de cette période apparaissent quelques échantillons d'écriture pictographique et des notations numériques, sexagésimales ou décimales. C'est au 111°millénaire av. J.-C. qu'apparaissent enfin les premiers documents écrits déchiffrables, hiéroglyphes en Egypte, signes cunéiformes d'origine sumérienne en Mésopotamie. Les connaissances astronomiques commencent à se fixer, aboutissant à la création du calendrier. Enfin, acquisition capitale, le bronze, alliage du cuivre et de l'étain, est inventé, apportant à toutes les formes de la technique un incomparable appoint de rigidité et de malléabilité. Ajoutons qu'un troisième foyer de civilisation s'ajoute aux deux premiers : c'est le « monde égéen » qui va accroître les ressources, surtout terriennes, de l'Egypte et de la Mésopotamie, des immenses possibilités offertes par la navigation maritime. Le 11°millénaire avant notre ère marque enfin la transition de la préhistoire à l'histoire. C'est alors qu'il devient possible de fixer des noms de pays, de villes, de souverains, de dynasties, et de poser les premiers jalons d'une chronologie. Fille de l'écriture, l'histoire est dès lors au berceau. Monopole des castes religieuses et des services d'Etat, elle exprime surtout la vie des cités. Un essor littéraire considérable se mani-

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==