Le Contrat Social - anno VIII - n. 5 - set.-ott. 1964

N. VALENTINOV Quant à l'estimation du coût des industries nouvelles, voici comment les choses se passaient : en 1936, il avait été décidé de les estimer en partant de leur prix en 1935et de les convertir ensuite en valeur de 1926-27 à l'aide de coefficients spéciaux établis par toutes les branches industrielles sous le nom de « prix nationaux». Ceux-ci n'ont jamais été publiés en U.R.S.S., du moins dans les journaux et revues qui parviennent en Occident. C'est pourtant d'après la nature de ces coefficients secrets qu'on aurait pu se faire une idée du développement industriel. A la même époque, les instructions concernant les prévisions du plan en 1936 fixaient des « prix unifiés» pour l'énergie électrique, l'eau, le charbon, la tourbe, le bois de chauffage, le bois ouvré, les produits minéraux, les terres réfractaires. Quelle était la nature de ces « prix unifiés », comment étaient-ils convertis, en admettant qu'ils l'aient été, d'après les prix de 1926-27? On l'ignore et cependant l'ordre de grandeur de ces prix était d'une grande importance pour déterminer la valeur de la production nette, autrement dit les différents postes du revenu national. Pour calculer la valeur des productions nouvelles, impossible de se fonder sur les prix de 1935 et sur les « prix nationaux». Les industries nouvelles se succédaient tout au long des plans quinquennaux sans qu'on ait pour elles un point de comparaison, même datant de 1935. Zelenovski, dans sa Méthode de planification du prix de revient industriel (p. 52), signale qu'en 1937, dans les constructions mécaniques notamment, 39 % des produits nouveaux ne pouvaient être comparés en valeur avec des produits fabriqués les années précédentes, à plus forte raison avec des produits inexistants en 1926-27. Comment les estimer dans leur valeur de 1935et les convertir en prix de 1926-27? Sous quelle forme ces industries nouvelles figurent-elles dans le calcul de la production globale? De toute évidence, sous la forme des prix gonflés correspondant à l'année de leur mise en route, si bien que le montant de la production fondé sur les « prix constants » de 1926-27 n'était qu'un leurre .. Economistes et statisticiens soviétiques non encore stalinisés le savaient mieux que personne. Et quand ils pouvaient le faire sans trop de risque, ils l'avouaient : Le calcul de la production industrielle est embrouillé par les prix conventionnels et surconventionnels ... La pratique consistant à estimer le revenu national d'après les prix constants de 1926-27 a pour effet de vicier la structure du produit social dans certaines branches industrielles ... Le fait de fonder les calculs sur les prix de 1926-27 équivaut pratiquement à inventer d'une manière originale et simplifiée les prix de l'année de base ... On ne saurait s'exprimer avec plus d'humour ... Finalement, au Gosplan même, des critiques furent émises contre les statistiques fondées sur Biblioteca Gino Bianco .. 295 les prix de 1926-27. A une réunion tenue en mai 1939, le Gosplan adopta la résolution suivante : La part respective de l'industrie et de l'agriculture dans la production globale et dans le revenu national était présentée jusqu'à présent d'après les prix de 1926-27. Ce mode de calcul est périmé. Il ne reflète pas les proportions réelles de ces deux branches fondamentales de notre économie. Le développement de nouvelles fabrications dont l'estimation se rapproche des prix réels accroît l'estimation de la production industrielle par rapport à la production agricole. D'où un calcul inexact de la part agricole dans la production globale de l'industrie et de l'agriculture. Il est plus rationnel d'estimer la part de chacune d'après les prix réels en calculant le montant de la production agricole non marchande sur l'indice moyen de la production marchande. Malgré la résolution du Gosplan, nul n'a jamais eu connaissance du chiffre de la production industrielle calculé sur les prix réels. L'immense bouleversement subi par les prix pendant et après la guerre, le développement plus considérable en.core des fabrications nouvelles dans la métallurgie et la construction mécanique font que l'estimation de la production industrielle d'après les « prix de 1926-27 » est devenue une simple dérision. Les chiffres de la production globale et du revenu national rappellent les tableaux de Picasso et l'hermétisme des peintres abstraits ; absolument impossible de deviner quel ordre de grandeur réel se dissimule derrière ce truquage. Si l'on examine les chiffres du revenu national de ces dernières années, on peut se demander s'ils n'ont pas été établis d'après les prix réels. Non pas, car ils donneraient un total bien plus élevé. Se peut-il alors que, par un procédé tenant du miracle, on les ait établis sur les prix de 1926-27? Non point, car le chiffre est trop élevé. Alors quoi? En fait, ni ceci ni cela, mais un salmigondis obtenu non pas à partir d'une valeur de compte stable, mais au moyen d'un mélange de coefficients et de prix où se retrouvent les prix de 1930, 1932, 1935, 1937 et années suivantes. Dès lors, dans les statistiques soviétiques, non seulement la méthode employée est vicieuse, mais encore la valeur de compte utilisée est impropre. Acculé dans l'impasse de ses statistiques, le Kremlin a dû l'avouer. En 1952, il décida de renoncer aux calculs effectués d'après les prix de 1926-27, reconnaissant implicitement que les statistiques fondées sur ces chiffres étaient fausses depuis longtemps. * ,,,. ,,,. LA PLANIPICATION et le calcul de la production globale pour 1952-55seront fondés sur les prix de gros réels. A partir du 1erjanvier 1952,une baisse des prix de gros a été décrétée sur les métaux, les machines-outils, l'équipement indus-

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