Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

124 On ne peut se référer ici qu'à des reproductions facilement accessibles, et seulement à titre d'exemples. La brochure de Gédéon Haganov éditée par la revue Contacts en 1951 sous le titre : Le Communisme et les Juifs reproduit deux dessins dégofttants du caricaturiste communiste Bill Gropper parus dans le journal communiste américain Freiheit, les 4 et 19 septembre 1929. Ils semblent empruntés par anticipation au Stürmer et au Pilori. Dans la brochure Staline contre Israël, publiée en 1953 par le B.E.I.P.I., on peut voir une ignoble caricature tirée du journal communiste tchèque Rude Pravo du 30 novembre 1952, qui l'avait reproduite de l'organe officiel du Kominform. La brochure du Comité d'entente des organisations juives de France: Comme hier Hitler, Moscou part en guerre contre les Juifs, donne un dessin du même goût qui vient du journal communiste de Varsovie Volkstimme daté du 11 décembre 1952. Le New Leader du 16 mars 1964 offre sur deux pages in-quarto 17 reproductions de dessins tirés du récent Judaïsme sans fard: c'est du pareil au même, et cela dispense de longues et fastidieuses comparaisons de textes indigestes. Le racisme sans fard ne varie guère dans ses expressions graphiques. Le dossier de l'antisémitisme communiste est déjà énorme et nous ne sommes pas en mesure de le dépouiller en peu d'heures et de pages. Du moins pouvons-nous extraire quelques morceaux substantiels des brochures qui nous précèdent, ci-dessus mentionnées, et qu'une vaste conspiration du silence a privées de l'audience qu'elles méritent. Il importe de rappeler constamment des vérités qu'un monde sans âme ne veut pas entendre, ne serait-ce que pour ne pas laisser raconter ce mensonge selon lequel la dernière manifestation publique de racisme en U.R.S.S. serait seulement la première, et la seule, et accidentelle. En fait, l'héritage antisémite de Staline n'a pas été répudié, bien qu'il soit conservé, cultivé, sous des formes moins drastiques. Aux Etats-Unis, les milieux instruits sont mieux informés qu'en Europe. Outre l'ouvrage de base : The Jews in the Soviet Union, de Solomon Schwarz, publié en 1951 par Syracuse University Press, la brochure de Gregor Aronson: Soviet Russia and the Jews ( 1949) a pu éclairer un large public et, surtout, a frayé la voie aux travaux ultérieurs. Ces deux auteurs sont d'éminents représentants de la social-démocratie russe, que la diffamation communiste ou pseudoprogressiste ne saurait atteindre. En France, la brochure de Léon Baratz (La Russie soviétique et les Juifs, Monte-Carlo 1951), éditée à compte d'auteur, utilise largement celle de Gregor Aronson, de même que la brochure d'Haganov et celle, collective, du B.E.I.P.I. profitent des publications précédentes. Nous citerons à notre tour ces deux dernières, non sans signaler le livre de Léon Leneman : La Tragédie des Juifs Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL en U.R.S.S., préfacé par Manès Sperber (paru chez Desclée de Brouwer, Paris 1959) et dont Paul Barton a rendu compte dans le numéro de janvier 196o du Contrat social, article suivi d'une bibliographie sommaire. * • • La brochure de G. Haganov prend comme point de départ la correspondance d'un journaliste prostalinien, W. Duranty, rédacteur au Times de New York, qui en mai 1939 créditait Staline d'avoir, « en deux ans, fusillé plus de Juifs que, dans le même laps de temps, il n'en a été tué en Allemagne». Ce n'était que trop vrai à l'époque, mais « Hitler allait bientôt rattraper et dépasser largement son émule». On ne doit surtout pas, sous ce rapport, englober dans une même réprobation Lénine et Staline : Lénine avait le racisme en horreur et il s'est prononcé à ce sujet en termes très explicites maintes fois reproduits. Aussi a-t-on admis en général, mais à tort, que bolchévisme et antisémitisme sont incompatibles. Cela ne serait vrai que si la théorie et la pratique d'une doctrine devaient nécessairement se conformer l'une à l'autre. Or le fait est que Lénine a pour successeur un Staline dont les tendances antisémites ne datent pas d'hier et n'ont cessé de s'accuser pour répondre à des calculs politiques. Ici, l'auteur renvoie à une note qui, avec treize ans de recul, prend une singulière valeur puisqu'elle met en cause Khrouchtchev en 1951, deux ans avant l'avènement de celui-ci au poste suprême du Secrétariat: Staline n'est pas seul dans ce cas, mais le plus représentatif et le plus puissant, incarnation du régime. Khrouchtchev, le Staline d'Ukraine, ne fait pas mystère de son antisémitisme militant. Boudionny, maréchal des logis devenu maréchal tout court, s'est exprimé dans le même sens en termes non équivoques, notamment dans un article contre 1. Babel qui fit du bruit à l'époql.\e. (1. Babel, le meilleur écrivain de !'U.R.S.S., selon l'avis de M. Gorki et de ses confrères, a disparu comme presque tous les hommes de talent et de conscience.) En effet, Khrouchtchev et Kozlov sont, après Staline, les deux principaux dirigeants communistes ayant fait profession d'antisémitisme déclaré au temps du « culte de la personnalité». Personne n'a donc le droit de prétendre que Staline disparu, il ne reste plus de pogromistes à la tête du Parti. La brochure évoque en ces termes le sort des réfugiés de Pologne : On sait que !'U.R.S.S. fut le seul pays d'Europe à refuser asile aux réfugiés lors des persécutions de Juifs par les nazis en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie. Quand Staline eut signé son pacte avec Hitler, donnant ainsi le signal du plus terrible pogrome de l'histoire, les Juifs de Pologne, de Lituanie, des Etats baltes, de la Bessarabie, n'avaient pas la moindre idée de ce à quoi ils auraient d!l s'attendre. La pénétration foudroyante des blindés allemands en

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