Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

N. VALENTINOV qu'un changement lourd de conséquences était sur le point de s'accomplir gagnait la masse du Parti. L'ascension de Staline est de plus en plus évidente, son pouvoir s'accroît d'une année à l'autre. A peine Staline a-t-il vaincu l'opposition qu'il prend position contre Rykov, Boukharine, Tomski et autres partisans de la nep, lesquels n'ont pas tardé à comprendre qu'ils ont tiré pour lui les marrons du feu. Dès le premier semestre de 1928, aux réunions du Politburo et du Comité central, Staline (que Kalinine, Vorochilov, et, bien entendu, Molotov ont rejoint) multiplie les heurts avec les partisans de la nep. Ceux-ci ont remporté leurs dernières victoires, plus apparentes que réelles, en avril et en juillet 1928, c'est-à-dire après les événements qui, cette année-là, ont ébranlé les campagnes : les paysans, réduits au désespoir par les livraisons obligatoires pour l~squelles on leur a payé des prix dérisoires et remis bien souvent de simples obligatj.ons d'Etat, ont commencé, depuis janvier 1928, à freiner les livraisons. Les autorités locales, stimulées par le Kremlin (à l'insu du Politburo, une circulaire « ultra-confidentielle » a été envoyée par Staline à tous les secrétaires provinciaux du Parti) ouvrent les hostilités dans les campagnes. Perquisitions et arrestations en masse, confiscation du blé et interdiction de vendre et d'acheter des céréales, fermeture des marchés et création des brigades volantes, « charrettes rouges » chargées de blé confisqué et dirigées de force, drapeau rouge au vent, sur les gares de chemin de fer... L'action terroriste déclenchée contre les campagnes et dont on murmurait dans les villes qu'elle sonnait le glas de la nep, rappelait les plus mauvais jours du communisme de guerre. Les trotskistes se mirent alors à envisager l'envoi d'une « adresse spéciale au vie Congrès de l'Internationale» pour déclarer que depuis qu'en janvier le Parti a commencé à prendre des mesures extraordinaires dans les campagnes, déclenchant ainsi l'offensive contre le koulak, les rapports de l'opposition avec le Parti doivent être revisés. Celle-ci se bornait à manifester la crainte que tôt ou tard, les droitiers n'en viennent à exiger que ces mesures soient rapportées (Rykov : La Période actuelle et les tâches du Parti, 1928, p. 34). A la réunion du Comité central tenue du 6 au 11 mars 1928, Rykov, Boukharine et Tomski condamnè~nt la, politique de violence appliquée aux campagnes et obtinrent du C.C. qu'il reconnaisse ouvertement que des «excès» avaient été commis par les dirigeants locaux du Parti et des soviets. Le Comité central ajoutait que « l'agitation néfaste des koulaks, des nepmans et de leurs auxiliaires à propos de l'abolition de la nep doit se heurter à la riposte du Parti ». Comme les «excès» en province n'en continuaient pas moins, les défenseurs de la nep soulevèrent de nouveau la question au Comité central qui se réunit du 4 au 12 juillet 1928. Là encore, Rykov et BouBiblioteca Gino Bianco 77 kharine eurent, en apparence, gain de cause, le C.C. reconnaissant en effet que « la petite et moyenne entreprise paysanne restera longtemps encore la base de la production des céréales dans le pays». Néanmoins, pour faire contrepoids, le C.C. mit l'accent sur la résolution du xve Congrès enjoignant «la transformation des petites entreprises paysannes en grandes exploitations collectives ». Ce que ces mots recouvraient, Staline l'avoue dans son discours : · Nous n'avons pas de colonies, on nous refuse des emprunts, par conséquent voici notre arme : le tribut levé sur le paysannat. C'était admettre sans réserve la « loi de l'accumulation socialiste» proposée par Préobrajenski. Et le mot «tribut » annonçait déjà les horreurs de la collectivisation prochaine. Après la réunion du Comité central, les principaux représentants des tendances antagoniques, c'est-à-dire Staline, qui s'était emparé des idées de l'opposition, et Rykov, qui défendait les principes léninistes de la nep, prirent la parole, Staline à Pétrograd, Rykov devant les militants de Moscou. Les lzvestia du I 5 juillet publièrent sur la même page le compte rendu de ces discours, en soulignant que le discours de Staline avait été ponctué par de « vifs applaudissements prolongés », celui de Rykov, par des «applaudissements». Le fait de signaler la «vigueur des applaudissements » était quelque chose d'inusité jusqu'alors à l'égard des membres du Politburo; jusqu'ici, tous avaient été traités sur le même pied. Maintenant, on faisait comprendre à la population que «l'éclat du soleil est une chose, l'éclat de la lune en est une autre ». En se lançant dans une publicité tapageuse, Staline accomplissait en catimini sa marche au pouvoir absolu. Que dirent Rykov et Staline dans leurs discours ? L'industrialisation du pays, déclarait Rykov, dépend évidemment, dans sa phase actuelle, des ressources qu'il faudra pomper dans le secteur non socialisé pour les déverser dans le secteur socialisé. L'industrialisation ne peut se passer de cette substance complémentaire prélevée sur les autres branches économiques, attendu que nous ne bénéficions d'aucun apport tant soit peu important de capitaux étrangers (emprunts ou crédits). Mais nous ne nous donnons pas pour but essentiel de pomper des ressources de plus en plus grandes [à la manière de Préobrajenski. N. V.], ce qui, sur le plan économique, entraînerait la ruine de l'entreprise paysanne et, sur le plan p·olitique, la rupture du bloc ouvrier et paysan (...). Un des camarades investis des plus grandes responsabilités [Staline] disait récemment que les forces productives se développent chez nous sous les formes de la collectivisation et qu'elles ne sauraient se développer autrement. Admettons un instant que 100 millions de paysans aient cru ce camar~de. Comment après cela iraient-ils défendre le pouvoir soviétique ? Les camarades qui ont fait une croix sur le développement des entreprises agricoles individuelles s'en tiennent à des conceptions erronées et néfastes. Le rendement moyen à la déciatine est

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