Le Contrat Social - anno VIII - n. 2 - mar.-apr. 1964

74 Préobrajenski et l'impression qu'il produisit dans certains milieux du Parti attestent que les ~d~s q~, e~ U.R.S.S., devinrent, en 1929, des 1dees directnces, ne sont pas tombées du ciel, ne datent pas du tournant de 1928-29, mais circulaient depuis des années. Il fallait seulement que se présentât l'homme capable de mettre en pratique les conceptions monstrueuses de Préobrajenski. Staline fut cet homme. Il va sans dire que ces conceptions révoltèrent les adeptes de la nep et la fraction ·1a meilleure, la moins barbare du Parti, les« droitiers». N. Boukharine écrivit contre Préobrajenski et le trotskisme l'excellente brochure: Nouvelle découverte sur l'économie soviétique ou la manière de détruire le bloc ouvrier-paysan (1925). Sur le même sujet, Goldenberg fit une critique incisive dans « Les pro~lè_mes du cours économique» (Bolchévik, 15 Jwn 1926). Ajoutons-y les articles publiés dans le recueil : De la plate-forme de l'opposition, paru cette même année 1926. Un grand nombre d'articles contre l'opposition furent également publiés à l'époque dans la Pravda dont Boukharine était alors le rédacteur en chef, et dans d'autres publications soviétiques. L'analyse et la critique des conceptions de Trotski, de Préobrajen~ki et consorts étaient si pertinentes qu'on pouvait penser que cette tendance ne s'en relèverait pas. Le contraire s'est produit. En se fixant dans l'esprit de Staline, les conceptions de Trotski et de Préobrajenski prirent la forme la plus inhumaine et devinrent des idées directrices vingt années durant (1929-49). Pour montrer comment s'est opéré le glissement aux idées de l'opposition, nous utiliserons les matériaux puisés dans une publication du Parti intitulée : Le Parti communiste de l'Union soviétique à travers les motions et les décisions de ses conférences et congrès. Le XIIIe Congrès (23-31 mai 1924) fut le premier qui suivit la mort de Lénine... Payant tribut aux aberrations trotskistes, la résolution déclare que le Comité central se rend parfaitement compte de la croissance, inévitable dans la période actuelle, d'une nouvelle bourgeoisie (...). La liquidation en cours des enclaves, le passage massif des paysans aux terres d'un seul tenant et détachées de la communauté villageoise, l'ardent désir des cultivateurs d'améliorer leur exploitation font que les paysans moyens et aisés commencent à relever la tête. Plus loin, la résolution souligne que l'alliance de l'industrie d'Etat avec le paysannat es directement menacée du fait que le marché, qui demande à être encore développé, est déjà en majeure partie accaparé par le commerce privé. Après ce coup de barre à gauche, pour éviter les dangers découlant de la nep, le Congrès donne aussitôt un coup de barre à droite en déclarant qu'il serait inadmissible d'adopter, · Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL dans le domaine du commerce privé, des mesures qui pourraient avoir pour effet de réduire ou d'entraver les courants d'échanges. D'après la résolution, ce serait une erreur de ne voir dans la suppression des enclaves ou des lopins de terre situés loin des fermes qu'un facteur renforçant les couches sociales aisées des campagnes. Sans ces mesures, « le développement de l'agriculture serait impossible ». Et le XIIIe Congrès élit au Comité central un grand nombre de représentants qui, trois ans plus tard, au xve Congrès (1927), seront chassés du Parti comme opposants dangereux. Au Comité central tenu du 17 au 20 mars 1925, la question de l'opposition revient sur le tapis. La majorité se rend compte que la critique de · l'opposition ébranle de plus en plus la nep. Pour mettre fin à cette critique, les majoritaires décident de prendre à partie Trotski, qui est le chef de l'opposition. Staline s'en charge. Devant le C.C., il accuse Trotski de se faire le champion d' « un bolchévisme modernisé sans léninisme » et d' «un communisme frelaté de plus en plus proche des échantillons européens de pseudomarxisme ». Trotski était alors président du Conseil révolutionnaire de la Guerre. Estimant qu'à ce poste Trotski est en mesure d'agir sur les milieux militaires, le Politburo met le Parti en garde contre lui et l'écarte du Conseil révolutionnaire, le prévenant que s'il persiste, il sera évincé du Politburo et chassé du Comité central. (?r?indépendamment de,1~propagande de l' oppos1t1on à Moscou et à Lerungrad, le Parti, surtout les cellules de la base, sont, d'instinct, contre la nep ; les autorités locales créent toutes sortes d'ob~t~cles au co~erce privé. Cependant, le Comite central, reuru du 23 au 30 avril 1925, donne l'ordre de « supprimer les entraves administratives mises au petit commerce paysan sur les marchés ». A la 14e Conférence du Parti (27-29 avril 1925), le problème de la nep revient en discussion. Avant· la Conférence, Boukharine et Rykov posent catégoriquement la question : il faut soit s'incliner devant l'opposition et admettre que la nep est une erreur ou qu'elle a fait son temps, soit appliquer les mesures que réclame l'essence même de la nep. Ils soulignent que l'on doit, notamment, tolérer dans les campagnes l'emploi. du t~avail.salarié, _rendu nécessaire par les besoms sa1sonnters (moisson, etc.), autoriser l'affermage à court terme partout où cela peut entraîner u1:1eaugmentati~n de la production, renoncer à 1nclure les artisans dans la catégorie des éléments bourgeois non travailleurs améliorer la situation de l'industrie artisW:ale au village en réduisant les impôts. . Cons~dérant que l'écart entre les hauts prix mdustnels et les bas prix agricoles fait peser une menace sur l'alliance de la ville et de la campagne, les majoritaires, menés par Rykov et Boukharine, réclament une diminution des

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