Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

QUELQUES LIVRES L'Association internationale des travailleurs La Première Internationale. Recueil de documents publiés sous la direction J.e Jacques Freymond; 2 vol., 956 pp., Genève 1962, Librairie E. Droz, publications de l'Institut universitaire de Hautes Etudes internationales, n° 39. LE 28 SEPTEMBRE prochain il y aura cent ans que fut fondée dans un grand meeting au Saint Martin's Hall, à Londres, l'Association internationale des travailleurs, la « première Internationale». Rappelons brièvement combien modestes furent ses débuts. Il n'est pas exagéré de dire qu'elle doit principalement son existence au traité de commerce conclu entre la France et la Grande-Bretagne en 1860, lequel ouvrait la porte au libre échange des marchandises, et par conséquent de cette marchandise particulière qu'est la force de travail des ouvriers. Les survivants du saint-simonisme avaient poussé à la signature du traité. C'est un industriel saint-simonien, Arlès Dufour, qui fit la proposition d'une entente entre ouvriers français et anglais afin d'éviter une concurrence dommageable à leurs salaires (29 septembre 1861). L'ancien ciseleur Tolain, ce disciple de Proudhon que Jules Vallès nommait le chef moral des ouvriers français, y répondit favorablement. Enfin le prince Jérôme Bonaparte, avec l'aide du journal libéral le Temps, s'occupa des frais matériels destinés à envoyer une délégation ouvrière à Londres (1862) 1 • Les Anglais, qui jusque-là . voyaient dans les Français et les Belges des briseurs de grève, acceptèrent avec enthousiasme la création d'une association qui organiserait la solidarité ouvriè~e entre les nations européennes. A ces faits s'ajouta l'influence positiviste propagée parmi les trade-unionistes par Spencer 1. Cf. sur cette époque Jules L. Puech: Le Proudhonisme dans l'Association internationale des travailleur,, Paris, 1907. Biblioteca Gino Bianco .,, . Beesly, le disciple anglais d'Auguste Comte, qui présida le meeting du Saint Martin's Hall 2 • On connaît la suite : l'Internationale, soutenue à ses débuts par de nombreuses personnalités libérales, suscita de plus en plus la crainte et l'opposition parmi celles-ci ; elle fut réprimée en différents pays. Après la Commune, Jules Favre alla jusqu'à inviter_ les gouvernements européens à traiter ses membres comme des criminels de droit commun. Accusée un peu partout d'être une organisation de conspirateurs, elle fut rendue responsable de la moindre des grèves aussi bien que de la Commune de Paris. Elle bénéficia d'une auréole de légendes que la seconde Internationale ne devait jamais connaître. Si l'on ajoute les conflits intérieurs qui devaient la disloquer huit ans après sa création, la grandeur de ses protagonistes, Marx et Bakounine, l'importance des idées en présence, on comprend que cette courte période du mouvement ouvrier suscite encore,un intérêt qui dépasse la simple curiosité. Les problèmes soulevés entre Marx et Bakounine, par exemple, pouvaient à leur époque apparaître comme des abstractions anticipant un avenir incertain ou en tout cas lointain. Aujourd'hui, ils sont actuels ; ils se posent d'une manière brûlante, non seulement dans les régimes totalitaires qui se réclament de Marx, mais aussi dans les nations dites capitalistes où grandit la force impérative de l'Etat. La plupart des controverses intérieures à l'Internationale gravitent autour de ce thème : .comment assurer la liberté et l'épanouissement de l'individu dans une société en voie d'industrialisation ? 1 comment l'arracher à l'exploitation capi2. En France, des ouvriers positivistes furent des militants actifs de l'Internationale. Citons le doreur Mollin et · le brossier Granjon. Cf. sur ce sujet Pierre Boivin : Choix d'écrits,- Paris, 1938. ;.

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