Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

Documents BOUKHARINE EN 1928 LES DISPUTES ACTUELLES entre communistes chinois et soviétiques ont remis à l'ordre du jour les disputes antérieures entre communistes soviétiques. Comment ne pas se . référer aux précédents pour mieux co11:1prendre leur répétition dans l'actualité ? Certes, il y a les différences de temps, de protagonistes et de circonstances, dont il importe de bien tenir compte. Mais ces différences ne prévalent pas sur une identité profonde, à savoir que les factions rivales se réclament d'une même doctrine et se prétendent les seuls disciples authentiques d~ Ieurs communs maîtres à penser, Marx et Lenme. . Au cours des déchirements qui, à partir de 1923, ont mis aux prises la troïka Zinov~ev-Kam~- nev-Staline contre Trotski et ses partisans, pws l'équipe Staline-Boukharine contre Zinoviev et Kamenev, enfin Staline et ses auxiliaires cont~e Boukharine et ses amis, les uns et les autres faisaient assaut de léninisme, d'orthodoxie. Ceux que l'on appellera plus tard « t:~tskisJe~ >~ se dénommaient eux-mêmes bolcheviks-lemrustes comme de nos jours, les zélateurs de Khrouchtche~ ceux de Mao et ceux de Tito revendiquent 'concurremment le marxisme-léninisme. De plus, les accusations mu~e~es_ de _dogmatisme de révisionnisme, de dev1at1onmsme et de trotskisme soulignent encore. davantage _des analogies frappantes entre . ces crises succ~ss1yes du communisme internattonal. En parttculier, dans la terminologie communiste depuis la mort de Lénine l'accusation de trotskisme est de celles qui ~'admettent pas de pardon. Appliquée aux Chinois par les polémistes de Mfscou, e~e traduit un antagonisme sans remede. Mais s'agit-il d'un conflit idéologique, ~omme les frères ennemis veulent le donner à croire et comme la presse dans son ensemble s'en fait complaisamment l'écho ? Un parallèle s'impose avec le « trotskisme » inventé de toutes pièces par la troïka Zinoviev-Kamenev-Staline et combattu par elle en 1924 et 1925. Les text~s de l'époque prouven~ l'ine~stence. de ce t;otskisme, 40!1cde l'idéologie qw a servi de pre}e~~, et d ail!e~ Zinoviev n'a pas tardé à en faire 1 aveu expliate. C'est seulement après son exil en Turquie (1929) que Trotski a élaboré systématiquement un corps .. Biblioteca Gino Bianco de doctrines opposé aux pratiques de Staline, . tous deux invoquant une même idéologieprétendue marxiste et léniniste. · On a vu Zinoviev et Kamenev se rallier au pseudo-trotskisme en 1926 et, après la défaite de l'opposition de «gauche» en 1927, ce sera Boukharine, l'idéologue par excellence de la «droite», qui en 1928 va se rapprocher des vaincus . au mépris des prétextes idéologiques. Deux doc~- ments révélateurs ont alors rapporté des pénpéties significatives de la lutte menée par Staline contre Boukharine. Ils ont été imprimés en russe, l'un en feuille volante clandestine, l'autre dans le Bulletin de ['Opposition (n° 1-2, de juillet 1929), publié par Trotski à Paris. Ils ne sont pas facilement accessibles aux historiens, non plus que leur traduction française parue dans Contre le courant, bulletin édité par Maurice et Magdeleine Paz (n° 27-28 du 12 avril 1929 et n° 29-30 du 6 mai 1929). Il y a, de nos jours, des raisons sérieuses de les reproduire, tant comme contribution à l'histoire du communisme russe et international que comme contribution à l'intelligence du prétendu conflit idéologique soviéto-chinois. Ni Trotski d'abord, ni Zinoviev ensuite, ni Boukharine enfin, n'ont pu se défendre au moyen d'un appareil d'Etat bureaucratique, policie~ et militaire, comme plus tard Tito contre Staline, puis Mao et Enver Hodja contre Khrouchtchev. Les deux documents qui suivent montrent par quels procédés Staline se maintenait au pouvoir et ce que pesait l'idéologie dans ces circonstances. Dès 1928, Boukharine paraissait déjà un homme « aux abois» et, dix ans plus tard, c'est un pitoyable fantoche au ressort brisé qui va délirer au procès en sorcellerie de mars 1938, qui avouera avoir volé les tours du Kremlin, qui débitera des mensonges. encore plus monstrueux et .fantastiques, qui justifiera d'avance « n'importe quel verdict, si sévère soit-il ». On éprouve des nausées en pensant que la Sorbonne s'est avilie à honorer l'apologie de telles horreurs. Le premier document a été rédigé par Kamenev, le second par un de ses camarades. La présenta- . tion, en petits caractères, est de Contre le courant, allégée de parties inactuelles.

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