QUELQUES LIVRES conditions sociales historiquement données favorisant la remontée des pulsions sado-masochistes. Le cas personnel d'Hitler, considéré justement comme typique (le chef ressemble à ses troupes), est analysé d'après ses écrits et en fonction de son rôle politique, sans faire intervenir les particularités trop strictement individuelles de la biographie de l'homme privé, particularités qui cesseraient précisément d'être typiques. Il est évident que, considérés sous l'angle psychologique, bien des traits de l'hitlérisme conviennent au stalinisme et réciproquement. Ecrivant aux Etats-Unis pendant la guerre, Fromm l'a suggéré explicitement (p. 217), mais sans trop insister sur ce point. En conclusion, l'auteur précise qu'une liberté purement négative, laissant l'individu désarmé devant les mécanismes sociaux qui l'annihilent pratiquement, est génératrice de malaise. A cette liberté négative, il oppose une liberté positive, laquelle semble se définir en donnant du relief à ce que la liberté négative laisse en creux, c'està-dire à l'initiative et à la responsabilité de chacun. Ces considérations d'un honnête démocrate socialiste sont forcément un peu vagues dans l'ordre politique et social. Psychologiquement, elles ·ont un sens précis : la lib~rté positive, qui ne décl~nch~ pas les réflexes de fwte qu'appelle la seule liberte négative, réside dans le sentiment de faire quelque chose en jouant un rôle autonome. Il ne s'agit donc pas de la concept!on que S~r Isaiah Berlin a dénoncée comme esprit du totalitarisme*, cette autre liberté dite, elle aussi, « positive », mais qui résiderait dans l'obéissance à la .l 1i et bientôt au simple commandement. Il est d'autre part évident qu'il n'y a pas ~e ~be~é pJsitive au sens de Fromm sans liberte negattve au sens d'I. Berlin (absence d'obstacles). Ce que Fromm a montré, c'est que si la liberté négative, socialement, ne suffit pas (on le savait déjà puisqu'elle ne peut être illimitée), psychologiquement, elle ne suffit pas non plus. Si l'on se fie à la li~erté négative, simplement complétée par des lois, le danger est que cette liberté ne se transforme _en son contraire. C'est ce que le psychanalyste soc10logue, sans prétendre faire œuvre géniale, a, croyons-nous, très clairement montré. Luc GUÉRIN. Une étude massive GUY-WILLY ScHMELTZ: La Po_litiquemondiale contemporaine. Paris 1963, Ed. du Vieux ~olombier (coll. « Sciences et techniques humaines»), 612 pp. LA COLLECTION (( Sciences et techniques humaines » répond à une nécessité de notre époque: elle se propose d'apporter à des lecteurs • Cf. l'étude d'Aimé Patri : « Sur II deux concepts de la liberté " •, in Contrat social, juillet 1959. Biblioteca Gino Bianco 31S qui, faute de temps, ne peuvent se tenir au courant des problèmes du monde actuel, les inf ormations indispensables à la compréhension de ces problèmes, et en outre divers éléments de réflexion. L'intention est donc bonne, bien que l'esprit volontairement édifiant dans lequel est mené l'ensemble de l'entreprise prête un peu à sourire : le but ultime est, en effet, nous dit-on, de nous faire progresser « sur le chemin de l'équilibre humain et de la paix intérieure». _ Dégagée de son souci un peu naïf de défendre la « dignité de l'homme, face aux impératifs de la pédagogie (? ), de la vie en société et des techniques », la collection devrait donc rendre des services réels, en présentant sous forme de synthèses claires et objectives une vue des grands courants du xxe siècle. L'auteur de La Politique mondiale contemporaine semble avoir le goût des vastes synthèses, mi-historiques, mi-philosophiques. Ce livre a été, en effet, précédé d'un Bilan de l'Occident, et ser~, prochainement, suivi et complété par L'Economie mondiale contemporaine. L'art de la synthèse est toutefois difficile. que vaut celle que vient de tenter M. Guy-Willy Schmeltz ? Incontestablement, elle est solide, sérieuse, exhaustive, elle ne laisse échaI?per au~un événement important : dates, ,nom~, sigles, c~t~- tions se suivent en rangs serres. L auteur a v1s1blement cherché à rassembler, pour chacun des problèmes qu'il évoqu~, pour chacune des_cris~s qu'il décrit, tous les renseignements essentiels; il les a rassemblés, ordonnés et numérotés dans un style limpide et sans chaleur . Les événements dont on suit le déroulement dans la presse quotidienne s'estompent vite d3:11s la mémoire. La Politique mondiale contemporaine permet, sur tel ou tel point, de préciser ses souvenirs, de dissiper des confusions ou de réparer des oublis : tel est son principal mérite. Mais bien que l'auteur s'en défende (« ce livre n'est pas un cours d'histoire»), on sent que l'ouvrage a été conçu en réunissant différentes· leçons d'un cours que M. Schmeltz a donné à l'Université de Paris, depuis 1953. L'allure générale reste donc passablement .~<lactique.. ~~ois parties (« La marche vers -l'un1te», cc La div1s1on du monde », « L'avènement du tiers-marché »), se divisent en chapitres volontiers antith_étiques (l'organisation du bloc occidental, les faiblesses du monde occidental; l'organisation du bloc communiste, les faiblesses..., etc.), lesquels se subdivisent en paragraphes (le problème ~e Trieste, le problème japonais, le_prob!ème autrichien, allemand, etc.) ; on croyait avoir entre les mains une synthèse personnelle, on parcourt en réalité un catalogue bien fait, un manuel pour étudiants cultivés. L'ouvrage est donc utile à consulter. Il semble toutefois difficile de le lire avec intérêt de bout en bout. SÉBASTIENLOSTE.
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