Le Contrat Social - anno VII - n. 6 - nov.-dic. 1963

G. ARONSON 1' Aldanov et. de Maklakov àlla:franc-maçonnerie, 1auteur soulignant le caractère Ji. essentiellement humanitaire de leur adhésion. Il est difficile de dire dans quelle mesure les maçons, en tant que tels, essaient d'étendre leur influence sur les milieux politiques de l'émigration russe. Lors de la naissance à New York de la « ~igue pour l'émancipation des peuples de Russie », fondée sur la coalition de différents partis (socialistes-révolutionnaires, menchéviks, socialistes populistes et sans-parti de l'ancienne et de la nouvelle émigration), certaines personnes ont supposé que l'entreprise était d'origine maçon- - nique. On a pu voir que cette impression était fausse quand, à la suite de désaccords sur l'attitude à adopter à l'égard du mouvement Vlassov, une scission s'est produite dans la Ligue. Tandis que Kérenski y conservait la direction, Aldanov démissionnait en faisant une déclaration dûment motivée. LA PUBLICATION de mon étude sur les francsmaçons dans les colonnes du NovoïéRousskoïé Slovo (8-12 octobre 1959) a eu un certain retentissement. Outre les échos qu'elle a éveillés dans la presse, j'ai reçu bon nombre de lettres, de questions écrites, de démentis, voire d'informations complémentaires. Des questions ont été soulevées, qui, restées jusqu'à présent dans l'ombre (par exemple, les liens entre les maçonneries russe et polonaise), nécessiteront d'autres recher- . ches. Divers correspondants m'ont approuvé d'avoir posé une question qui appartient à l'histoire et qui appelle une révision des idées que l'on se faisait de la vie politique et sociale en Russie avant la révolution de 1905, entre 1905 et 1917, pendant la première guerre mondiale et la révolution de Février. Avec l'aimable autorisation de Lydia Ossipovna Dan 10 et de Nicolas Vladislavovitch Volski, auxquels je tiens à exprimer ma gratitude, nous donnons ci-après des passages de lettres écrites par l'éminente personnalité de la franc-maçonnerie russe que fut Catherine Dmitrievna Kouskova. · GRÉGOIRE ARONSON. Lettres de Catherine Kouskova A N. V. Volski (15 nov. 1955) LA QUESTION de la franc-maçonnerie est la plus difficile de toutes. Notre silence a été absolu. Il en est résulté un profond différend avec Melro. Décédée le 28 mars 1963. Cf. Contrat social, mai-juin 1963, p. 189. · Bibliote·ca Gino Bianco 335 gounov. Je l'ai appris par un membre, aujourd'hui très gravement malade, de son parti (je n'arrive pas à me rappeler son nom, il commence· par L., un narodnik très connu). Melgounov m'a fait une scène: il voulait m'extorquer (alors que nous étions en Russie...) des renseignements en m'assurant qu'il était au courant de -« tout ». Or· je savais très bien qu'il ignorait presque tout; comme Bourychkine lui-même. Par la suite, il alaissé entendre, dans une de ses brochures, que la chose a bel et bien existé. Je vais vous dire brièvement ce qu'il y a eu: 1. Cela a commencé après l'échec de la révolution de 1905. En pleine répression sauvage. Vous savez ce qu'elle a été. 2. Cette maçonnerie n'avait rien de commun avec la maçonnerie à l'étranger. Il n'y a jamais eu entre l'une et l'autre le moindre lien pour la simple raison que cette maçonnerie russe a entièrement modifié les rites, la mystique, et qu'elle a ajouté d'autres articles aux statuts. 3. Le but de la maçonnerie était politique. Elle voulait, sous cette forme, restaurer la Ligue de l'émancipation et lutter clandestinement pour affranchir la Russie. 4. Pourquoi avait-elle pris cette forme ? Pour· gagner les hautes sphères politiques et même les milieux de la Cour. Ceux-ci comme celles-là n'auraient pas fait écho à une simple étiquette politique. 5. Articles modifiés : a. ad.mission!des femmes, pour la premièrefois (à l'étranger, les loges n'admettent pas les femmes) ; b. tabliers, attributs, rites sont abolis; c. la consécration consiste uniquement à prêter serment d'observer un mutisme absolu. Qualités morales, confiance mutuelle. Forme d'organisation: des loges de cinq membres, puis les congrès. Les loges doivent s'ignorer entre elles. Mais par les rencontres qu'on faisait aux congrès, on pouvait juger de l'importance du mouvement et de ses effectifs ; d. la démission devait être accompagnée d'un nouveau serment : ne jamais rien dire à personne, se mettre simplement« en sommeil». Je ne.me souviens pas d'une seule démission ; l'intérêt pour le mouvement était considérable et notre bureau capitonné * ne désemplissait pas. Autre fait caractéristique : je connais deux bolchéviks desplus en vue qui ont appartenu au mouvement. Quand la révolution d'Octobre éclata, nous avons cru, Serge Nicolaïévitch [Prokopovicz]et moi, que tout allait être découvert, le Parti ne tolérant pas de secrets de la part de ses adhérents. Or il n'y a rien eu ! Je suis sûre que ces bolchéviks éminents ont gardé le secret, sans doute par crainte de voir la répression s'abattre sur eux. Nombreuses étaient les personnes de la haute société (princes et comtes, comme on disait alors). Leur conduite étonnait : j'en ai vu plu- • Il s'agit du bureau qu'avait à Moscou Prokopovicz. Pour ne pas être gêné par le bruit, il l'avait fait capitonner de liège. (Note de N.V. Volski.)

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