Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

.. CHRONIQÇE Faillite de l'agriculture communiste QUE CE SOIT dans l'Union soviétique ou en Chine, ou chez leurs satellites, le régime prétendu communiste peut longtemps dissimuler bien des échecs et des mécomptes : le monopole d'Etat instauré sur toutes les sources et tous les moyens · d'information, la stricte surveillance exercée par une organisation policière innombrable, le mutisme et la discipline que le Parti unique et ses filiales imposent à la population apeurée, tout concourt à préserver les secrets nécessaires aux fictions dont se prévaut le pouvoir. Mais il est impossible de cacher les opérations commerciales importantes que les autorités communistes, par suite de leurs déboires économiques, sont forcées de conclure avec les pays capitalistes. Ainsi a-t-on appris, depuis la mi-septembre, les achats énormes de céréales et de farine que Moscou, après Pékin, doit faire cette année dans le monde libre. Khrouchtchev en a retardé jusqu'au 28 septembre l'aveu qu'il ne pouvait plus taire davantage, mais en se gardant avec soin de préciser l'ampleur des acquisitions indispensables. Les précisions affluent de toutes parts, dans la presse occidentale. Après le contrat passé au Canada pour 250 millions de boisseaux, suivi d'une transaction aux Etats-Unis portant sur 200 millions de boisseaux, on apprenait que !'U.R.S.S. achète des grains en France et en Allemagne fédérale, de la farine au Japon, no~ sans avoir passé en Australie des ordres atteignant 200 millions de dollars. Pour simplifier, disons que les importations de céréales et de farine capitalistes vont s'élever en 1963-64 à quelque 10 millions de tonnes pour compenser la sous-production soviétique. On sait d'autre part que la Chine a achet~ en août 5,5 millions de tonn~s a~ C31:1ada et se procure en Australie tout le ble disporuble. Cependant que la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, se présentent en acheteuses en Amérique. Comme l'Union soviétique ristourne des grains à Cuba, ce que fait la Chine pour l'Albanie, et comme la Yougoslavie est ravitaillée de surplus américains en permanence, il s'avère que, sauf en Roumanie cette année, le fiasco agricole se généralise avec éclat dans l'ensemble du monde pseudo-communiste. Le plan septennal escomptait pour 1963 une récolte globale d'environ 160 millions de tonnes de céréales ; les deux plans quinquennaux précédents prévoyaient 180 millions de tonnes pour 1955, puis pour 1960; l'estimation approximative actuelle, d'après les données obtenues à Moscou le 6 octobre, tourne pour cette année autour de 125 millions de tonnes. Khrouchtchev et C10 sont Bibl·ioteca Gino Bianco donc très loin de compte. Il y a dix ans, Malenkov avait déclaré (le 8 août 1953) que !'U.R.S.S. « a suffisamment de blé». L'année suivante, Khrouchtchev devait le démentir et reconnaître que « la production de céréales ne couvre pas les besoins croissants de notre économie » ( Pravda du 7 mars 1954). Les réformes consécutives à la mort de Staline, les avantages consentis aux paysans en matière d'impôts et de rétribution des prestations à l'Etat, la suppression des stations de tracteurs, les résolutions du Comité central, les vantardises et les promesses, outre les investissements et la mise en valeur de 40 millions d'hectares de terres vierges, aboutissent au résultat actuel. Les discours de Khrouchtchev traitant de l'agriculture emplissent déjà sept gros volumes in-octavo de 3.489 pages. Mais après quarante-six ans de« socialisme scientifique », !'U.R.S.S. recourt à « l'anarchie capitaliste » pour couvrir ses besoins alimentaires et élémentaires. Comment ne pas rappeler la propagande éhontée entreprise en France aussitôt après la guerre pour abuser l'opinion publique en lui donnant à croire que bientôt les populations soviétiques, déjà comblées de bienfaits par Staline, bénéficieront du pain gratuit, en raison de l'abondance des céréales ? Un M. Alfred Sauvy, collectionneur de titres et d'honneurs officiels, assisté d'un certain M. Romeuf, disciple de Maurras et de Staline, ont amorcé insidieusement l'affaire en janvier 1946 dans les Cahiers d'un Institut peuplé de communistes (édités aux Presses Universitairesde France) et où l'on pouvait lire : Ainsi l'on [ ?] songeait à la veille de la guerre à distribuer le pain gratuitement. . Les événements ont retardé [ ?] cette réforme pour de nombreuses années et c'est regrettable puisque cela aurait été la première expérience de distribution « selon les besoins » d'un aliment esséntiel: c'est-à-dire la première expérience communiste appliquée à un bien de consommation immédiate 1 • D'après Etudessoviétiques (numéro de juin 1949), revue apologétique du stalinisme en France, « on (1. Toutes les références désirables relatives aux citations contenues dans le présent article se trouvent dans le B.E.J.P.I. (Bulletin de l'Association d'Etudes et d'informations politiques internationales), n° 109 (L'U.R.S.S. sans visa), n° 127 (L'Union soviétique et le problème des céréales), n° 189 (Le « pain gratuit» en U.R.S.S.).

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