Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

QUELQUES LIVRES de Sonvillier, la Circulaire de la Fédération jurassienne votée par ce congrès et envoyée à toutes les Fédérations de l'A.I.T ., le Mémoire justificatif de Paul Robin sur la Conférence de Londres, les différentes versions des statuts de l'Association internationale qui ont alimenté le conflit entre adeptes de l'abstentionnisme politique et défenseurs de l'action parlementaire et de l'organisation de la classe ouvrière en parti politique pour la conquête du pouvoir, sans parler de cinquante pages de notes explicatives d'A. Lehning, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne laissent rien dans l'ombre. En· somme, un reèueil des écrits de Bakounine se rapportant à une époque où celui-ci jeta . dans la lutte contre le « communisme autoritaire », contre la « centralisation étatique» et contre l'emprise de Marx sur le Conseil général de Londres tout le poids de sa pensée et de son action. De nouveau, on rendra hommage à Arthur Lehning, à son labeur, à son érudition, à l'exposé qu'il fait, avec un grand souci de clarté, des événements de cette période historique, courte mais riche en rebondissements de toute sorte, si bien qu'après lecture de l'introduction, on s'aperçoit que cette phase cardinale de l'évolution de l'Associtation internationale des travailleurs ne présente plus de points obscurs; on est préparé à comprendre le dernier épisode de la lutte entre Marx et Bakounine : le Congrès de La Haye, l'expulsion des adversaires des conceptions et des méthodes de Marx et le transfert à New York du siège de l'Internationale, laquelle était pratiquement scindée en deux partis, plus une tendance _blanquiste. Ainsi, sans illusion sur les chances que lui laissait sa « victoire » dans une Internationale divisée à l'extrême, Marx ne voulut pas en recueillir les fruits en Europe. « Plutôt que de voir tomber le Conseil général entre les mains des blanquistes, écrit A. Lehning, Marx n'avait pas hésité à le détruire. " Par crainte de devenir communeuse, l'Internationale préférait se suicider 3 • " » MARCEL BODY. L'État et la propriété selon les Anglais C.B. MACPHERSON: The Political Theorie of PossessiveIndividualism. Hobbes to Locke. Londres 1962, Clarendon Press: Oxford University ·Press, 310 pp. DANScet ouvrage, M. Macpherson présente une intéressante interprétation semi-marxiste des doctrines politiques anglaises du xv11° siècle qui demeurent le fondement théorique de la démocratie libérale de type anglo-saxon. La méthode utilisée est 1~ confrontation systématique de ces 3. Internationale et Révolution. A propos du Congris ds La Haye, par des réfugiés de la Commune, ex-membres du Comeil général de l'Internationale, Londres I 872, p. 8 . Bibl-ioteca Gino Bianco 305 .doctrines - de Hobbes à Locke, en passant par les Levellers du temps de Cromwell et l'utopiste Harrington - avec ce que l'auteur appelle des modèles de société. Les modèles utilisés sont au nombre de trois : la société de statut coutumier ( customary or status society), la simple société marchande (simple market society), la société marchande avec développement de la propriété ( possessive market society). On reconnaît sans peine l'économie naturelle, l'économie marchande ·et le capitalisme privé selon Marx. Les modèles sont construits axiomatiquement en énonçant les postulats qui conviennent à chaque type. Les supposer sous- .jacents aux constructions théoriques, qui ne les ont pas toujours formulés explicitement, facilite l'analyse de ces doctrines et permet de discuter clairement les questions de cohérence et d'adéquation à la réalité. Il peut sembler surprenant de voir placer à la source des conceptions démocratiques libérales un penseur comme Hobbes, qui fut en son temps le défenseur du principe de la monarchie absolue. Mais on ne doit pas oublier que la justification de ce principe, entreprise par Hobbes dans un esprit purement matérialiste, écarte toute préconception traditionaliste. Le problème politique est traité par Hobbes comme un problème de physique sociale, dans le sens rigoureux du terme, puisqu'il postule des tendances de la nature humaine qui jouent le même rôle que l'inertie en physique, en l'occurrence la défense par chacun, autant que faire se peut, de son propre intérêt contre celui de tous les autres. Comment ces tendances aboutissent-elles à leur propre renversement, ou du moins à leur limitation réciproque, par la superposition de l'Etat aux individus concurrents, c'est la question soulevée dans le Leviathan. Dans l'Etat de nature, que Hobbes suppose antérieur à l'Etat civil, M. Macpherson retrouve les traits caractéristiques d'une société marchande .simple. Celle-ci exige finalement la présence d'une autorité cen- .trale pour protéger les contrats et faire régner la paix nécessaire au développement des affaires privées. Malgré son caractère autoritaire, la motivation utilisée fait que l'Etat en question reste l'Etat libéral, dont la .fonction est principalement judiciaire et policière. Un tel Etat a pour rôle exclusif de protéger les intérêts privés de ses ·sujets. Il va de soi que le philosophe anglais n'a pas eu pleinement conscience du fait que l'Etat de nature qu'il décrivait hypothétiquement correspondait à la réalité de la société marchande placée sous le signe de la concurrence. Mais la fonction du modèle est précisément d'expliciter ce qui, dans sa propre pensée, demeurait implicite. Cela permet aussi de corriger la conception théorique sur certains points : la continuité dans la transmission du pouvoir, c'est-à-dire la monarchie héréditaire, n'est pas absolument nécessaire à l'Etat auquel est assignée la protection des intérêts privés. D'autre part, Hobbes n'a pas suffisamment pris garde à un fait déjà observable à son époque : la société marchande engendre le

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